Yannick Pincé, 42 ans, enseignant

« Nous ne sommes pas des “privilégiés”. »

Victor Le Boisselier  • 4 décembre 2019 abonné·es
Yannick Pincé, 42 ans, enseignant
© DR

On a l’impression que c’est perdu d’avance… » Même si Yannick Pincé soutient la mobilisation du 5 décembre, il en parle avec beaucoup de défaitisme : « Sans les dénigrer, j’ai l’impression que les mobilisations collectives ne marchent plus. Et ça sert l’argumentation du gouvernement, qui a déjà commencé la contre-offensive en disant : “Ce sont des privilégiés toujours en grève qui ne font rien…” » Le professeur d’histoire-géographie au lycée Jean-François-Millet de Cherbourg prévient : «J’ai pris le parti de ne plus me plaindre, parce que j’en ai marre d’entendre que je suis un planqué. »

En 17 ans de carrière, ce prof de prépa, de terminale et de classe européenne a déjà essuyé trois réformes des retraites. Pour la première, en 2003, à la sortie de ses années étudiantes, il fut un militant actif : « On a perdu malgré la large mobilisation et on m’a retiré un nombre important de jours sur mon salaire. En fin de mois, je mangeais des boîtes de raviolis avec du riz. Pas un super souvenir. »

Le second frein à la mobilisation, pour Yannick, est donc financier, avec trois enfants à charge, une compagne à temps partiel et une maison à payer. Sans compter les voyages à Paris nécessaires à la préparation de sa thèse, qui pourrait lui donner un ticket pour l’enseignement supérieur : « Au-delà du sujet qui me passionne, c’est aussi une manière d’échapper à une partie des réformes, mais le problème des retraites reste entier. »

Un problème entier mais encore secondaire pour l’enseignant : « Les retraites, ça paraît loin. » Aujourd’hui, le corps enseignant se bat contre une pluie de réformes. Yannick énumère : « Il y a cette réforme assez cauchemardesque du bac ; il est question de nous faire faire des formations pendant les vacances ; la loi sur l’école de la confiance restreint nos possibilités de nous exprimer au nom du droit de réserve… », avant de se reprendre : « Mais ce métier, on l’aime ! » Assez pour tenir des classes de 35 élèves jusqu’à 65 ans ?

Économie Travail
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Le « travailleur idéal » bosse tout le temps
Travail 18 décembre 2024 abonné·es

Le « travailleur idéal » bosse tout le temps

Autonomie, performance et excellence : les cadres sont la catégorie de salariés qui travaille le plus. Face à l’injonction d’être flexibles, le sens qu’ils trouvent dans leur emploi et leur relation au temps libéré se dégradent fortement.
Par Pierre Jequier-Zalc
La boulangerie Louboublil et ses « 200 jours de repos par an »
Reportage 18 décembre 2024 abonné·es

La boulangerie Louboublil et ses « 200 jours de repos par an »

Avec une semaine de travail de 4 jours, 10 semaines de congés payés, des salaires décents et une organisation sans hiérarchie, la boulangerie Louboulbil révolutionne le travail et le temps libre. Cette coopérative anarchiste du Tarn-et-Garonne montre qu’un autre modèle est possible.
Par Thomas Lefèvre
2023, funeste année record pour les morts au travail
Travail 16 décembre 2024 abonné·es

2023, funeste année record pour les morts au travail

L’Assurance maladie vient de publier son rapport annuel sur la sinistralité au travail. Avec 759 décès suite à un accident du travail, l’année 2023 confirme la tendance à la hausse déjà constatée l’an dernier.
Par Pierre Jequier-Zalc
Malgré la censure du gouvernement, une grève de la fonction publique fortement suivie
Social 5 décembre 2024 abonné·es

Malgré la censure du gouvernement, une grève de la fonction publique fortement suivie

Selon le gouvernement, plus de 18 % des agents de la fonction publique d’État étaient en grève à la mi-journée, ce jeudi. Un taux monté à 40 % chez les enseignants du premier degré, 65 % selon la FSU.
Par Pierre Jequier-Zalc