Municipales : pour le PCF, sauver les meubles

Le déclin du PC se poursuit, mais le communisme municipal n’a peut-être pas dit son dernier mot. Grâce aux alliances et à un vaste réseau militant, il peut espérer conserver ses bastions.

Agathe Mercante  • 26 février 2020 abonné·es
Municipales : pour le PCF, sauver les meubles
© Aux abords de la cité Youri- Gagarine, à Ivry-sur-Seine, démolie en août 2019.Philippe LOPEZ/AFP

Qu’il est loin le temps où Paris – mais aussi Lyon – était « encerclé par le prolétariat révolutionnaire ! », pour reprendre le titre de l’article de Paul Vaillant-Couturier publié dans l’Humanité en 1924. Après un pic en 1977, où le PCF détenait 1 464 communes, le vote communiste a décliné. On estime aujourd’hui autour de 600 le nombre de villes rouges. Ce n’est pas beaucoup moins qu’il y a un siècle, sauf qu’on ne parle plus de « villes encerclées » ni de « révolution », mais d’une agonie lente et pénible. Rien qu’en Seine-Saint-Denis le Parti communiste est passé de 27 villes sous sa houlette en 1977 à seulement 7 aujourd’hui.

Une situation désespérée ? Oui et non. Le communisme des villes ne décline pas autant qu’il le fait à l’échelle nationale. Et puis la campagne de Ian Brossat pour les élections européennes, certes perdante – 2,49 % des suffrages –, a quelque peu réchauffé le cœur des communistes. « Chaque militant a toujours cette espèce de foi qui le tient. Pour lui, même les défaites sont des demi-victoires », constate David Gouard, maître de conférences en science politique à l’université de Toulouse-II et spécialiste de la banlieue rouge (1). « Le PCF existe aujourd’hui essentiellement par l’intermédiaire de ses élus, puisqu’il demeure le troisième parti de France au nombre de ses élus municipaux », constatait le sociologue Julian Mischi en 2014 (2).

Rien de surprenant alors à ce que, pour les élections municipales des 15 et 22 mars, le parti s’attende à un résultat bien plus satisfaisant que celui de 2019. « Il y aura tout de même quelques pertes, mais ça ne sera pas catastrophique », prédit David Gouard : en zone rurale, la stabilité démographique ne devrait pas faire varier le vote communiste. En ville, en revanche, « le reflux se poursuit », constate-t-il.

Partenaires particuliers

Plusieurs bastions historiques du parti sont en effet en danger. Saint-Denis par exemple. Le maire communiste sortant, Laurent Russier, devra affronter le socialiste Mathieu Hanotin, qu’il n’avait battu que de 184 voix en 2014, et faire face à Bally Bagayoko, candidat investi par La France insoumise. À Ivry-sur-Seine, Philippe Bouyssou, le maire de la ville tenue par le Parti communiste depuis la Libération, voit s’opposer à lui une alliance regroupant Europe Écologie-Les Verts, La France insoumise et le Parti socialiste. « Je ne suis pas inquiet, mais je regrette les canailleries que certaines forces politiques nous font, comme à Ivry. Ils n’ont pas joué la carte du rassemblement à un moment où il faut que l’on soit unis pour résister à la politique d’Emmanuel Macron », déplorait le secrétaire national du parti, Fabien Roussel, dans les colonnes du Monde (3).

Comme partout ailleurs, dans le Val-de-Marne, le dernier département rouge de France, les communistes s’effacent au profit de formations politiques plus « neuves ». Aux élections législatives, dans la circonscription d’Ivry-sur-Seine, du Kremlin-Bicêtre et de Vitry-sur-Seine, c’est l’insoumise Mathilde Panot qui s’est qualifiée pour le second tour, devançant de 250 voix le candidat communiste. « Les principaux adversaires du Parti communiste, ce sont ses partenaires », tacle Pierre Lacaze, le responsable national pour les élections du parti. « La France insoumise et le PC jouent sur le même tableau, sauf que LFI essaie de s’affirmer comme la principale force de gauche », analyse David Gouard.

À Bagnolet, Montreuil, Pantin ou Aubervilliers, les frères ennemis du défunt Front de gauche sont toutefois parvenus, parfois in extremis, à trouver un accord. Mais la formation de Jean-Luc Mélenchon n’est pas le seul caillou dans la chaussure des communistes : dans bien des villes populaires en voie de gentrification ou déjà gentrifiées, le vote écologiste gagne du terrain. « À Gentilly, à Ivry, à Villejuif, il est possible que les Verts passent devant le PCF », estime l’écologiste Alain Lipietz, dont le parti s’est allié avec la droite en 2014 pour faire perdre aux communistes la mairie de Villejuif. « Je trouve ça un peu fort de café qu’il y ait des alliances contre les communistes, explique Pierre Lacaze. Ces alliances contre-nature font le jeu des libéraux, de la droite et de l’extrême droite. »

Paradoxal mouvement social

L’heure est à la reconquête, seuls ou accompagnés. Si les communistes ont été capables, en 2014, de reprendre Aubervilliers au socialiste Jacques Salvador et Montreuil, ravie pour un mandat par Dominique Voynet, pourquoi ne pourraient-ils pas réintégrer dans leur giron Bobigny, Villejuif et Bagnolet ? « Plus ils attendent, plus leurs chances de l’emporter s’amenuisent », prévient toutefois David Gouard. C’est maintenant ou peut-être jamais. D’autant que les courbes de l’abstention ne jouent pas en la faveur du vote communiste… « Bien sûr qu’on souffre de l’abstention dans les quartiers populaires », reconnaît Pierre Lacaze. Alors, partout où c’est possible, ils s’allient. « L’objectif n’est pas que la droite remporte des mairies communistes », indique-t-il. Cela va sans dire, mais ça va mieux en le disant. « Nous voulons bâtir des majorités autour de la solidarité, de la culture, des transports en commun… » détaille-t-il. Mais chez les communistes, comme pour les autres partis ou mouvements de gauche, la recomposition tarde et les structures politiques en pâtissent. Le PCF tout particulièrement. « Le parti a un problème structurel de visibilité », indique David Gouard. Paradoxalement, le mouvement social contre la réforme des retraites ne lui est que très peu favorable. Alors que l’opposition bataille contre le gouvernement à l’Assemblée nationale et que le mouvement syndical tente de survivre, la campagne pour les élections municipales peine à se lancer réellement.

« Il ne faut pas vendre la peau de l’ours russe », plaisante Pierre Lacaze, en référence à l’époque où le PCF prenait ses ordres du Kremlin. « Le Parti communiste mise sur ce qui lui reste : son important réseau militant, ses réseaux associatifs, sportifs et culturels », explique David Gouard. Mais si c’est une force, c’est aussi « un aveu de faiblesse », estime le chercheur, « ils sont tout ce qu’il reste au parti ».

(1) Auteur de La Banlieue rouge. Ceux qui restent et ce qui change, Le Bord de l’eau, 2014.

(2) Le Communisme désarmé, le PCF et les classes populaires depuis les années 1970, Agone, 2014.

(3) « Municipales : le communisme menacé dans ses derniers fiefs de la “banlieue rouge” », 10 février.

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Municipales : Le va-tout du PCF
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