Revenir à la politique
Le risque existe que la colère sociale se transforme en vengeance contre les personnes. C’est ici que l’affaire Griveaux, malgré son aspect marginal et son caractère abject, a tout de même à voir avec l’état de notre société.
dans l’hebdo N° 1591 Acheter ce numéro
L’histoire devrait nous avoir définitivement appris que la fin ne justifie pas les moyens. L’affaire de la vidéo « à caractère sexuel » qui a provoqué le retrait de Benjamin Griveaux en apporte une nouvelle fois la preuve, et sur un mode particulièrement sordide. Encore que l’on ne sache pas très bien quelle fin poursuivaient nos Torquemada de caniveau. Auront-ils seulement voulu, comme ils le prétendent, dénoncer l’hypocrisie d’un homme politique, ses incohérences, ses mensonges ? Si c’est ça, ils n’ont pas fini ! Et où peut bien se nicher la morale quand on use d’un procédé aussi infâme ? Ils auront tout juste détruit un homme, dont ils ont réussi à faire une victime, et provoqué la souffrance de ses proches. Depuis 2017 qu’il côtoie les sommets du pouvoir, l’ex-candidat à la mairie de Paris défend une politique que nous combattons dans ce journal semaine après semaine. Et osons dire qu’il y ajoute un supplément personnel de suffisance très macronienne qui, certes, invite peu à la sympathie. Mais les instigateurs de la machination n’ont évidemment en rien infléchi le cours d’une politique, ni surtout fait œuvre moralisatrice. Un homme a chuté, c’est tout. Mais aussitôt éliminé, aussitôt remplacé. Et le climat en a été avili.
Si j’emploie le pluriel à propos de nos parangons de vertu, c’est qu’on peine à croire que l’activiste russe Piotr Pavlenski, adepte de l’automutilation (jusqu’à se clouer le scrotum sur la place Rouge !), ait agi seul. L’enquête nous dira peut-être un jour si la machination répondait à d’autres motivations que celles qui sont avouées aujourd’hui. Et si d’autres ont agi dans l’ombre.
Michel Lequenne
Notre ami Michel Lequenne, qui collabora de nombreuses années aux pages Culture de Politis, s’est éteint le 13 février, à 98 ans. Critique d’art, longtemps proche des surréalistes, il était surtout le dernier dinosaure du trotskisme. Né à la politique pendant les grèves de 1936, il fut de tous les combats, notamment en faveur de l’indépendance algérienne. Il participa activement dans les années 1950 aux débats tumultueux à l’intérieur du mouvement trotskiste, se rangeant pour finir du côté de ce qui deviendra la Ligue communiste révolutionnaire, d’Alain Krivine.
L’arrogante obstination gouvernementale qui impose, en jouant d’une légitimité contestable, une réforme injuste, confuse, moralement insupportable – je pense en particulier au mépris affiché pour les métiers pénibles – blesse profondément notre société. Le sentiment de se heurter à un mur d’outrecuidance technocratique est lourd de tous les dérapages. On a vu l’effigie de la tête de Macron portée au bout d’une pique. La symbolique est détestable. Mais l’affaire Griveaux est un passage à l’acte, doublé d’une revendication de transparence rien de moins que totalitaire. Plutôt que de narguer l’opinion dans un simulacre de débat parlementaire, le gouvernement avait l’occasion de sortir par le haut de cette crise. Nous avions, il y a deux mois, dans cette page même, ébauché l’idée d’un référendum. L’exécutif vient d’en repousser négligemment l’éventualité. Seul le président de la République peut encore y recourir. Il donnerait un peu d’air à une démocratie qui étouffe.
Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.
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