Cahiers du cinéma : L’esprit d’indépendance
La rédaction des Cahiers du cinéma a collectivement démissionné.
dans l’hebdo N° 1593 Acheter ce numéro
Cahiers du cinéma, suite et fin. Nous soulignions ici même (lire n° 1591 du 20 février) les craintes de la rédaction de la revue envers son nouvel actionnariat, composé de producteurs – une première dans son histoire –, d’hommes d’affaires (Xavier Niel, Alain Weil…) déjà propriétaires de grands médias et dont certains sont ouvertement macronistes, et envers l’arrivée de l’ex-déléguée générale de la Société des réalisateurs de films (SRF). Le 27 février, la rédaction des Cahiers du cinéma a collectivement démissionné. C’est une équipe de dix-huit critiques qui a eu ce courage, affirmant ainsi l’impossibilité d’une indépendance rédactionnelle dans de telles conditions.
Dans un entretien donné à Libération (du 29 février), le désormais ex-rédacteur en chef, Stéphane Delorme, rapporte que les positions des Cahiers en faveur des gilets jaunes, notamment, ont joué contre eux. Il ajoute, à propos de la critique : « Nous faisons aussi ce geste [de démissionner] pour défendre l’idée de la critique […]_. Je crois que les gens veulent pouvoir lire des avis intègres, de la part de critiques qui écrivent en conscience et depuis quelque part. Quand on écrit depuis les_ Cahiers du cinéma_, on écrit depuis quelque part : on remet les œuvres dans une perspective historique, on n’avale pas l’actualité des films, on n’est pas dans la promotion. L’absence de critique met en danger l’art que l’on critique. »_
Des propos auxquels nous souscrivons, à Politis, où l’indépendance est un maître-mot. La critique n’a à se soumettre à aucune injonction extérieure aux œuvres, y compris morale ou politique (exemple : le message de l’œuvre est de gauche, donc c’est une œuvre intéressante). Tout porte à croire que l’esprit des Cahiers du cinéma tels qu’ils existaient depuis leur création en 1951 est mort.