Emportés par la soul

Les Monophonics font brillamment revivre les sons de la première moitié des années 1970.

Jacques Vincent  • 18 mars 2020 abonné·es
Emportés par la soul
© Colemind record

Il y a fort à parier que quiconque découvre les Monophonics avec ce disque fasse deux erreurs d’appréciation, pensant qu’il s’agit d’une formation oubliée du début des années 1970 et de la réédition de l’enregistrement d’un groupe de musiciens noirs. Ni l’un ni l’autre, donc. Les Monophonics sont contemporains, blancs, et publient leur troisième album

La première erreur tient au fait que les Monophonics s’évertuent à retrouver la patte et le son d’une époque, à recréer une musique précieuse, délicate et limpide, en utilisant une pléiade d’instruments comme le moog, ancêtre du synthétiseur apparu dans les années 1960, ou le mellotron, à côté des guitares, orgues, harpe, cuivres et percussions.

La seconde erreur tient à cette soul sophistiquée qu’ils produisent et à la prestation du chanteur, Kelly Finnigan, dont la voix de prière profane à la douleur lumineuse est typique du genre. Sa voix est centrale dans le son de l’ensemble, et ce fils d’un organiste qui a joué avec des musiciens comme Jimi Hendrix, Dave Mason ou Leonard Cohen est indéniablement une personnalité à suivre, ce que confirme le début de sa carrière solo en parallèle du groupe.

Les Monophonics viennent de San Francisco et, vu la -catégorie dans laquelle ils ont choisi d’officier, on sera tenté de penser à Sly and the Family Stone. À tort encore une fois. Leur soul lorgne plus du côté de Philadelphie, de musiciens comme Al Green ou Curtis Mayfield, des musiques des films de la blaxploitation et de groupes comme les Temptations ou les Delfonics – auxquels leur nom fait immanquablement penser –, créateurs du fameux La la Means I Love You repris par Todd Rundgren puis par Prince.

Il faut l’admettre : les Monophonics ont tout compris et tout réussi. De leur nom, qui pour l’anecdote vient justement d’un modèle de moog, mais est surtout parfait dans sa concision, à l’écriture des compositions, la palette sonore, les cordes frissonnantes, les éclairs de la pédale wah-wah et une production spatiale pour laquelle rien n’est trop beau ou, pour le dire en paraphrasant les Temptations déjà cités, pour laquelle seul « le ciel est la limite ».

On pourrait aussi considérer que la limite réside surtout dans une recréation trop précise et appliquée d’un monde qui n’est plus. On pourrait, mais nous ne le ferons pas, préférant céder au plaisir de nous laisser emporter par le flot de velours de cette musique irrésistible qui dépasse la nostalgie pour saisir et raviver la quintessence d’un genre unique.

It’s Only Us, Monophonics, Colemine Records. Disponible sur les plateformes Spotify, Playmusic, Deezer…

Musique
Temps de lecture : 2 minutes