Covid-19 : une crise exogène, vraiment ?

Il existe un lien entre la multiplication des pandémies et les dégâts infligés à l’environnement.

Dominique Plihon  • 15 avril 2020
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Covid-19 : une crise exogène, vraiment ?
© La déforestation en Indonédie.Photo : AHMAD ZAMRONI / AFP

La plupart des économistes tiennent le même discours sur la crise du Covid-19 : c’est un double choc négatif d’offre et de demande. Traduction : cette crise est due à un événement « exogène », extérieur au système économique, qui a entraîné une baisse à la fois de la production des entreprises et de la consommation des ménages. Ce double choc, amplifié par le confinement de la population, explique la chute brutale de l’activité économique. Dans le monde de la finance, la crise du Covid-19 a été qualifiée de « cygne noir », défini comme un événement majeur dont les caractéristiques principales sont qu’il est exogène, imprévisible, souvent disruptif et mal compris. Le plus souvent, le « black swan» est accompagné d’une panique sur les marchés.

Cette théorie du choc exogène a été mobilisée par des économistes de tous bords qui n’ont pas compris la relation entre cette pandémie et le fonctionnement du capitalisme financiarisé et mondialisé. Certains, comme Frédéric Lordon, ont vu dans cette crise un « accusateur » des politiques néolibérales et de l’incompétence des « connards qui nous gouvernent (1) ».

Il faut aller plus loin : la crise du Covid-19 est endogène à notre système économique. Pour un nombre croissant de scientifiques, il ne fait pas de doute qu’il existe un lien de causalité entre la multiplication des pandémies et les dégâts croissants infligés par notre système économique à l’environnement (2). La crise du Covid-19 n’est pas qu’un problème médical, c’est aussi un problème écologique et économique.

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’augmentation des maladies infectieuses émergentes coïncide avec la croissance accélérée des taux de déforestation tropicale enregistrés ces dernières décennies. Plus de 250 millions d’hectares ont disparu en quarante ans. L’impact de l’homme sur les écosystèmes a progressivement rapproché les humains de la faune sauvage. Ainsi s’explique le développement des maladies produites par la transmission de cette faune sauvage à l’homme. Et il est également facile de comprendre comment le virus a pu se transmettre à l’ensemble de la planète en un temps record, dans le cadre d’un capitalisme mondialisé fondé sur l’intensification des flux commerciaux et humains à l’échelle internationale.

Établir le diagnostic du caractère endogène de la crise du Covid-19 est évidemment essentiel pour conduire les politiques appropriées afin de sortir de la crise et d’éviter qu’elle se reproduise. Or, si on doit se réjouir de la montée en puissance des États et des politiques publiques, on ne peut qu’être inquiet de constater que ces politiques ne tiennent pas compte de ce diagnostic. Ainsi en est-il, en particulier, des politiques de relance inconditionnelles et de soutien à des entreprises dont les activités sont dangereuses pour la biodiversité et le climat.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes
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