Disparition : Henri Weber, du trotskisme au PS
Henri Weber, qui a succombé à l’âge de 75 ans du Covid-19, avait été, en 1965, l’un des trois fondateurs de la Jeunesse communiste révolutionnaire.
dans l’hebdo N° 1601 Acheter ce numéro
Sur une photo dans Paris Match – « qui fera plus pour ma gloire que mes harangues les mieux inspirées », comme il l’a écrit dans ses mémoires, Rebelle jeunesse (Robert Laffont, 2018) –, on le voyait, en mars 1966, manche de pioche à la main dans la cour de la Sorbonne, « accueillir » un commando du groupe fasciste Occident… Henri Weber, qui a succombé à l’âge de 75 ans du Covid-19, le 26 avril, après plus d’une semaine en réanimation, avait été, en 1965, l’un des trois fondateurs de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR), avec Daniel Bensaïd et Alain Krivine. Sa vie est un peu le roman d’une génération. Henri Weber était né en 1944 dans un Tadjikistan alors soviétique, où ses parents juifs polonais avaient fui les nazis avant d’être internés dans un camp de travail stalinien. Après guerre, la famille rentre en Pologne, où l’antisémitisme est virulent, puis émigre en 1948 en France. Il grandit dans le quartier de Belleville, se politise dans le chaudron du lycée Jacques-Decour, entre en 1962 à la Sorbonne. C’est Alain Krivine qui l’amène alors au trotskisme, au sein de l’Union des étudiants communistes, dont ils sont exclus lors d’un mémorable congrès en 1965 par la direction stalinienne, représentée alors par Pierre Juquin et Guy Hermier – deux futurs « rénovateurs » au PCF ! Mais c’est en mai 1968 que le dirigeant de la JCR (et responsable de son redouté service d’ordre) devient un leader étudiant, emmenant des manifs et tenant des barricades. Il n’abandonne pourtant pas la philosophie et est appelé, à la création de la faculté de Vincennes, par Michel Foucault, qui en dirige le département. Il vient alors d’écrire avec Daniel Bensaïd Mai 68, une répétition générale ? (Maspero), bilan du mouvement selon la Ligue communiste à peine créée, après la dissolution de la JCR. Au fil des années 1970, ses convictions trotskistes se fissurent. Bientôt docteur en philo et prof à Paris-8, il s’éloigne du trotskisme, travaille sur l’eurocommunisme, les écrits de Max Weber, de Kelsen, mais aussi de Benjamin Constant ou de Tocqueville. Il quitte la LCR « sans bruit » et rejoint le PS en 1986, où il devient l’un des plus fervents soutiens de Laurent Fabius, sénateur (de 1995 à 2004) dans le fief de celui-ci, la Seine-Maritime, suivant alors les dérives progressives d’un parti qu’il voulait « fièrement social-démocrate ».
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