« On essaye de sauver le Saint-Marché ou la population ? »
Aujourd’hui dans #lesdéconfinés, Aurélien, 23 ans, préparateur de commandes dans un Leclerc Drive situé dans l’agglomération d’Orléans, explique pourquoi il refuse de faire des heures supplémentaires…
On a beaucoup plus de travail. Les jours où on a des grosses affluences, on a à peu près quatre fois plus de préparations et avec grosso modo le même effectif. Il y a quelques petites embauches, mais le plus clair du surplus de travail est absorbé par les heures supplémentaires que font les employés déjà là.
J’ai un contrat qui fait 37 heures et c’est déjà fatigant de passer tout ce temps par semaine dans un frigo à marcher dans des rayons pour attraper les produits que les gens commandent. J’ai déjà accepté des heures supplémentaires ce mois-ci ; j’ai fait 1h30. Hier, on m’a proposé de faire à nouveau 1h30 de plus. Mais bon, vu que l’état d’urgence sanitaire prévoit la fin des 35 heures et la fin des majorations des heures supplémentaires au-delà de 39 heures, dans ces conditions-là je refuse d’en faire.
Aujourd’hui, quand je suis parti du boulot, j’ai appris que le propriétaire du Leclerc avait fait pleurer une des employées. Et dernièrement l’augmentation des cadences a provoqué des accidents du travail, deux dans la même journée de samedi.
On a qu’un jour de repos par semaine, on fait du temps plein six jours sur sept.
Moi je suis seulement préparateur, mais quand t’es au réapprovisionnement et qu’à partir de 5 heures du matin et jusqu’à 14 heures tu soulèves des cartons et tu tires des transpalettes, tu finis par craquer, le corps dit stop.
L’autre raison pour laquelle je refuse de faire des heures supplémentaires, c’est que quand on parle des dividendes reversés aux actionnaires, on les justifie toujours par la rémunération des risques pris en apportant du capital. Ici, au Leclerc qui est franchisé, on ne va pas me verser la prime de 1.000 euros proposée par le ministre de l’Économie. Du coup, personne ne rémunère le risque que moi je prends en allant travailler. Et en plus on me demande de faire le maximum alors que je suis payé au salaire minimum.
Et je cours des risques déjà en allant au travail. Une collègue est suspectée d’avoir attrapé le Covid-19. Elle tousse, elle a de la fièvre, et elle est venue travailler quatre jours avec ces symptômes. Ici on n’arrive pas à se mettre en arrêt de travail à moins qu’il s’agisse d’un accident. On s’échange du matériel et nos scans. Niveau hygiène, des mesures sont prises pour les clients qu’on sert, on porte un masque quand on les livre et on charge leur coffre pour eux, mais en coulisse, il n’y a rien pour nous.
On verbalise des gens qui sont allés faire leur jogging 100 mètres trop loin, et moi je continue à aller travailler tous les jours dans des conditions favorables à la propagation de l’épidémie. Il faut savoir qui on essaye de sauver, le Saint-Marché ou la population…
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don