« Personne n’est testé, ni nous, ni les patients, tant qu’on ne développe pas de symptômes »
Aujourd’hui, dans #LesDéconfinés, Maryline*, soignante en psychiatrie dans un hôpital en Bretagne, a un collègue qui a été diagnostiqué positif au coronavirus après être allé travailler dans un hôpital de région parisienne.
Cette histoire a dû s’ébruiter dans l’hôpital, le syndicat a appelé. Ils voulaient savoir si c’était vrai, si un infirmier du service avait été contaminé. Ma collègue a dit oui. Les syndicats s’en mêlent car la direction aurait dû les prévenir, mais elle ne l’a pas fait. Mon collègue infirmier a été contaminé après être parti travailler dans la région parisienne. Quand il est rentré, il a eu une semaine de repos. Ensuite, il n’avait plus de jours à récupérer, à moins de prendre sur ses congés d’été, il a appelé la médecine du travail pour savoir s’il pouvait reprendre et on lui a donné le feu vert.
Il est revenu le lundi et le mercredi il a commencé à avoir les symptômes. Il a commencé à tousser l’après-midi, il a pris sa température, il chauffait un peu. Il est allé se faire tester. Quand le résultat est tombé, on a été convoqués le lendemain, jeudi, par la cadre. Et là on a appris que notre collègue était positif au coronavirus. On a presque tous été en contact avec lui.
Dans le service, on a notre masque, mais en salle de pause on l’enlève pour boire ou pour manger, on a pris des risques. Pierre* a développé les signes neuf jours après être revenu de région parisienne, alors qu’ici le médecin hygiéniste de l’hôpital dit qu’on peut revenir travailler après cinq jours. Or, depuis le début du coronavirus, on entend dire qu’il faut rester quatorze jours à la maison et là on est à l’hôpital et on le fait revenir, ça craint, et on est obligés de bosser quand même. On marche sur la tête. Personne n’est testé, ni nous ni les patients, tant qu’on ne développe pas de symptômes.
Désormais, deux fois par jour je dois prendre ma température et la noter sur un papier pour la cadre. Lui, il est jeune. Mais pour les patients âgés, ou encore moi avec ma cinquantaine, c’est risqué. Après, il avait le masque, mais bon, ça peut être sur tes mains aussi, on ne porte pas tout le temps des gants, on ne peut pas tout faire avec des gants.
Ni les familles ni les patients ne le savent. Les patients ne se rendent pas vraiment compte de ce qui se passe. Quand ils regardent la télé, on essaye d’éviter les infos en boucle, on leur met un film. Certains patients ne comprennent pas pourquoi on met un masque. Quant aux visites, on ne sait pas encore si elles vont être possibles ou pas, tout ça sans savoir si l’un d’entre nous est contaminé ou pas… Ils font courir des risques à tout le monde.
Puis il y a deux fois plus de ménage à faire avec les consignes sanitaires, et le masque tient chaud. Je ne suis plus toute jeune, je suis fatiguée. C’est usant, toutes les surfaces hautes doivent être nettoyées tous les jours. On a plus de travail, mais pas plus de personnel. Et dire qu’il faut qu’on tienne comme ça jusqu’au 11 mai au moins…
* Prénoms changés pour des questions de sécurité.
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