Sanction d’Amazon confirmée : « un élément de référence pour toutes les entreprises »
La Cour d’appel de Versailles vient de le rappeler : Amazon n’est pas au dessus des lois et devra réviser son plan sanitaire tout en restreignant son activité aux marchandises « essentielles ».
Lors de l’audience en appel du 21 avril, Me David Metin, avocat de l’instance représentative du personnel d’Amazon Montélimar, avait averti : « En fonction de ce que vous allez rendre contre Amazon [qualifié de mastodonte]_, vous allez avoir tous les petits. »_ Comprendre : si vous autorisez Amazon à reprendre normalement son activité, pourquoi pas les magasins de bricolage ou la librairie du coin?
La Cour d’appel a finalement confirmé la décision du tribunal judiciaire de Nanterre du 14 avril, sommant Amazon « de procéder, en y associant les représentants du personnel, à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts ainsi qu’à la mise en œuvre des mesures prévues ».
Amazon pris à son propre jeu
Au procès, l’entreprise avait mis en avant son côté « très populaire » et « absolument nécessaire à la continuité de la vie de la Nation ». Pour preuve, ses cinq millions de colis expédiés depuis le début du confinement. Elle s’était posée en victime, mise face à « une alternative terrible » et obligée de fermer suite à l’imprécision qui accompagnait selon elle la décision en première instance : Quels étaient les produits essentiels selon la justice? Et comment s’appliquer cette astreinte d’un million d’euros également prévue?
Le mastodonte a voulu jouer et la Cour d’appel a pris l’entreprise au mot. Elle a défini précisément les catégories des produits pouvant être livrés, suivant la nomenclature d’Amazon: « Hich-tech, Informatique, Bureau », « Tout pour les animaux », « Santé et soins du corps », « Homme », « Nutrition », « Parapharmacie » ou encore « Epicerie, Boissons et Entretien ». Si la liste peut sembler large, elle diminue néanmoins l’activité habituelle dans les entrepôts, et peut donc permettre de travailler en effectif réduit et donc d’instaurer de vraies mesures sanitaires, selon les syndicalistes.
Des syndicats soudés
L’astreinte initiale prévue à hauteur d’un million d’euros, elle aussi jugée « floue » par Amazon, a également été précisée : 100 000 euros « pour chaque réception, préparation et/ou expédition de produits non autorisés, et ce pendant une durée maximale d’un mois ». « Ça peut monter très vite si c’est par colis ou par palette réceptionnée », a réagi Jean-François Bérot, représentant Sud-Solidaires sur le site de Saran, dans le Loiret. « Amazon ne peut pas soutenir que cette décision n’est pas exécutable parce que pas suffisamment claire », complète Me Jonathan Cadot, avocat pour la CFDT.
Contrairement à la première audience où seul Sud-Solidaires était représenté, c’est cette fois-ci un « front uni de syndicats » (CGT, Sud-Solidaires, FO et la CFDT) qui faisait face à l’entreprise. Me Cadot salue cette décision comme « un élément de référence pour toutes les entreprises » en termes d’analyse et d’évaluation des risques dans un contexte où le gouvernement pousse à la reprise de l’activité.
Une injonction au dialogue social
Surtout, les syndicalistes et leurs conseils soulignent l’injonction de la cour à la mise en place d’un dialogue social, chose qui n’est pas ancrée dans la culture d’entreprise amazonienne, loin de là, comme le souligne l’arrêt rendu par la Cour :
Force est de constater que la société Amazon a œuvré pour établir unilatéralement, en l’absence d’accord des syndicats, des plans d’action en date des 6, 19 et 30 mars, puis 8 avril 2020 édictant des mesures de prévention applicables sur l’ensemble des sites.
« En faisant appel plutôt que de négocier, la direction a fait passer comme message qu’elle voulait faire la guerre aux syndicats. » a tenu à rappeler Me Judith Krivine, avocate de Sud-Solidaires et de la CGT Transports dans cette affaire.
Une réunion entre délégués syndicaux centraux et direction est prévue ce lundi, sans ordre du jour, alors que les entrepôts sont fermés jusqu’au 28 avril. Une négociation sur le fond peut donc enfin commencer, même si Me Krivine craint une « consultation bidon » pour répondre en surface aux injonctions de la Justice. Selon Julien Vincent, de la CFDT, Amazon aurait d’ailleurs déjà envoyé un SMS aux salariés pour exprimer, à nouveau, sa « perplexité » face à cette décision.
>> Lire l’intégralité de l’arrêt de la Cour d’appel
À noter, que la plainte au pénal contre X déposée par l’Union locale CGT de Douai pour « mise en danger d’autrui » a été classée sans suite par le procureur de la république de Douai le 20 avril dernier.
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