Sibérie: réservoir à virus et à bactéries

Lors de l’été 2016, particulièrement chaud, une épidémie d’anthrax s’est répandue dans le nord de la Sibérie. Révélant les dangers de la fonte du pergélisol, qui recèle nombre de virus et de bactéries résistants au gel et pouvant être réactivés.

Claude-Marie Vadrot  • 13 avril 2020
Partager :
Sibérie: réservoir à virus et à bactéries
© Photo : TATYANA MAKEYEVA / AFP

Au cours de l’année 2016, une épidémie d’anthrax a décimé plus de 2.500 rennes dans le nord de la Sibérie et causé la mort d’un garçon de 12 ans. Connue autrefois sous le nom de « maladie du charbon », cette affection bactérienne, souvent mortelle, a pratiquement disparu. Elle touche principalement des animaux d’élevage et des espèces sauvages mais peut aussi être transmise aux êtres humains. Cette résurgence de l’anthrax dans le nord sibérien est liée à mise au jour de la carcasse d’un renne mort de cette affection, profondément enterré à la fin des années 1930. Il a ensuite gelé dans une couche supérieure du pergélisol (permafrost en anglais), laquelle est en train de fondre sous l’effet du réchauffement climatique, l’été 2016 ayant été particulièrement chaud. Après la mort des troupeaux de rennes et du jeune Nenets, et la contamination de plusieurs éleveurs de cette communauté autochtone, le silence a été imposé par les autorités russes. Elles redoutent le retour de maladies inconnues dans la région, liées à des virus et à des bactéries retenues longtemps prisonnières dans le sol gelé.

L’augmentation rapide de la température moyenne, supérieure au réchauffement planétaire moyen, de la zone nord de la Russie, comme dans le nord canadien et de l’Alaska, s’est traduite depuis une dizaine d’années par la formation de plus ou moins grandes excavations. Certaines sont d’une telle taille qu’elles pourraient engloutir plusieurs camions. Ce qui les rend d’ailleurs dangereuses pour la circulation, sachant que le trafic local emprunte peu de routes tracées, mais des parcours traditionnels liés au pétrole et à la vie des peuples nomades.

Ces « trous » laissent échapper du gaz carbonique mais surtout des grandes quantités de méthane, gaz dont le pouvoir de réchauffement sur notre atmosphère est au moins 25 fois supérieur à celui du CO2. Mais le danger de la fonte du pergélisol réside aussi dans une autre réalité : de nombreuses bactéries et tout autant de virus peuvent résister à des températures très basses. Ainsi, par exemple, quand les corps des victimes de la grippe espagnole de 1918 ou de l’épisode de l’épidémie de variole qui a sévi en Russie après 1890 reviennent à la surface du sol, les spécialistes s’aperçoivent qu’une partie des virus et des bactéries a survécu à des congélations prolongées. Il ne leur reste plus qu’à trouver des êtres vivants, animaux ou humains, pour s’installer dans leur organisme.

Un risque de pandémie accru

La crainte des chercheurs est qu’à travers les « cheminées » qui se creusent dans le pergélisol, s’échappent des éléments pathogènes comme les pandoravirus qui « dormaient » dans les terres gelées depuis des dizaines de milliers d’années. Certains de ces « virus » géants paraissent pour l’instant inoffensifs mais d’autres, tout comme certaines bactéries, peuvent avoir été répandus parmi des populations qui avaient fini par être immunisées il y a des milliers d’années. Une résistance qui n’existe plus aujourd’hui. Le risque, comme pour le coronavirus, est que les populations qui vont se trouver au contact de virus ou de bactéries surgis spontanément des sols gelés ou lors de forages miniers rendus possibles par la fonte du perlégisol les transportent dans des zones plus peuplées. En Russie, le sujet est classé comme « secret défense » tant les autorités redoutent l’arrivée des nouvelles maladies.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

La santé, c’est (avant tout) celle des hommes !
Santé 21 novembre 2024 abonné·es

La santé, c’est (avant tout) celle des hommes !

Les stéréotypes sexistes, encore profondément ancrés dans la recherche et la pratique médicales, entraînent de mauvaises prises en charge et des retards de diagnostic. Les spécificités féminines sont trop souvent ignorées dans les essais cliniques, et les symptômes douloureux banalisés.
Par Thomas Lefèvre
La Brigade rouge : un poing c’est tout !
Portfolio 20 novembre 2024 abonné·es

La Brigade rouge : un poing c’est tout !

Pour pallier les carences et manquements de l’État indien, l’ONG la Brigade rouge s’est donné pour mission de protéger et d’accompagner les femmes qui ont été victimes de viol ou de violences sexistes et sexuelles. Reportage photo.
Par Franck Renoir
À Koupiansk, en Ukraine, « il ne reste que les vieux et les fous »
Reportage 20 novembre 2024 abonné·es

À Koupiansk, en Ukraine, « il ne reste que les vieux et les fous »

Avec les rapides avancées russes sur le front, la ville de Koupiansk, occupée en 2022, est désormais à 2,5 km du front. Les habitants ont été invités à évacuer depuis la mi-octobre. Malgré les bombardements, certains ne souhaitent pas partir, ou ne s’y résolvent pas encore.
Par Pauline Migevant
À Valence, un désastre climatique et politique
Reportage 20 novembre 2024 abonné·es

À Valence, un désastre climatique et politique

Après les terribles inondations qui ont frappé la région valencienne, les réactions tardives du gouvernement de Carlos Mazón ont suscité la colère des habitants et des réactions opportunistes de l’extrême droite. Pour se relever, la population mise sur la solidarité.
Par Pablo Castaño