Appel pour informer librement sur l’industrie agroalimentaire bretonne
Plus de 400 journalistes ont signé une pétition réclamant le droit d’informer librement sur les pratiques de l’industrie agroalimentaire bretonne. Ces derniers temps, les exemples de pression pour faire taire la presse se sont multipliés.
Deux pétitions rassemblent les soutiens pour une information libre et indépendante sur les pratiques de l’industrie agroalimentaire en Bretagne, mais aussi en France. Plus de 400 journalistes et 32.000 citoyen·nes ont apporté leur signature. À l’initiative de ces deux pétitions, le collectif Kelaouiñ (« informer » en langue bretonne), composé de journalistes de la région. L’autocensure, la peur de voir ses subventions coupées, la crainte de perdre ses annonceurs, la menace de procès bâillon… Ces pratiques deviennent monnaie courante à l’égard des professionnel·les mal avisé·es de vouloir enquêter sur ce secteur clé de l’économie bretonne.
Les exemples de pressions diverses se multiplient. Inès Léraud incarne désormais cette parole qu’on voudrait censurer. Florilège. L’autrice de l’enquête dessinée Algues vertes, _l’histoire interdite_ (La Revue dessinée/Delcourt), réalisée avec l’illustrateur Pierre Van Hove, devait présenter cette enquête au salon du livre de Quintin. Le Canard enchaîné révélait en mars les manigances d’un élu de la commune – également salarié de la chambre d’agriculture des Côtes-d’Armor – pour annuler sa venue. Une version en breton devait voir le jour chez Skol Vreizh, mais l’éditeur a préféré s’autocensurer, témoignait-il devant les journalistes de France 3 en mai. Le sujet serait trop sensible.
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La journaliste devra également comparaître en janvier 2021 devant le tribunal correctionnel de Paris pour diffamation. En cause, son travail publié en mars 2019 sur Basta! sur les pratiques frauduleuses de Chéritel. Dans son enquête, la journaliste avait détaillé les pratiques frauduleuses du grossiste de fruits et légumes en Bretagne, comme la dissimulation de travail ou le maquillage de produits étrangers en produits français.
L’enquêtrice avait déjà fait l’objet de poursuites similaires pour sa bande dessinée sur les algues vertes. L’ouvrage démontait les prises de position de Christian Buson, scientifique sceptique sur le lien entre agriculture intensive et apparition des marées vertes sur le littoral breton. Après avoir porté plainte pour diffamation, l’homme s’était finalement rétracté quelques jours avant l’audience en janvier dernier.
Le cas d’Inès Léraud n’est pas isolé. Si l’administration française souhaite rester silencieuse, enfermée par le poids des enjeux économiques et politiques de cette industrie, cette omerta ne doit pas écorner la liberté de la presse.
Le collectif Kelaouiñ joint à sa pétition une lettre adressée notamment à Loïg Chesnais-Girard, successeur de Jean-Yves Le Drian à la présidence de la région Bretagne. Elle y demande de solides garanties pour continuer d’informer et la création d’un observatoire régional des libertés de la presse.
La liste des journalistes signataires ici.
Pour signer la pétition destinée au grand public, c’est par là.
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