Éric, enseignant spécialisé : « Tous les enfants ne retrouveront pas le chemin de l’école d’ici à la fin mai »

Récit d’une rentrée pas comme les autres, racontée par celles et ceux qui en ont la charge. Éric Charles, enseignant spécialisé du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) dans le Val-de-Marne et militant syndical SUD Éducation nous raconte cette semaine particulière. Témoignage (6/6)

Partager :
Éric, enseignant spécialisé : « Tous les enfants ne retrouveront pas le chemin de l’école d’ici à la fin mai »
© Photo : SEBASTIEN BOZON / AFP

C ontrairement à ce que dit M. Blanquer, non, tous les enfants ne vont pas retrouver le chemin de l’école au moins une fois d’ici à la fin mai. En tout cas, pas ici à Chennevières. » Éric est enseignant spécialisé en Rased et exerce au sein de trois écoles de la commune. Son rôle : accompagner les élèves qui présentent des difficultés scolaires, en soutien aux équipes enseignantes. Le pédagogue n’a pas de classe dédiée mais encadre les enfants qui en ont besoin, seuls ou en groupe.

« Les objectifs fixés » sont-ils vraiment « remplis » comme l’affirme Jean-Michel Blanquer ? Selon lui, 1,4 million de jeunes élèves sont retournés à l'école et près de 4 000 collèges, en « zone verte », ont rouverts leurs portes (1). Des chiffres contrastés par la fermeture de plusieurs dizaines d'établissements suite à la découverte de cas porteurs du virus, et l'amer constat des personnels pédagogique : ce ne sont pas les élèves les plus en difficulté sociale et scolaire qui reviennent.

Le 11 mai, lorsqu’il se rend sur son lieu de travail, Éric s’attend à « trouver une école un peu préparée pour accueillir les élèves ». Mais il n’en est rien. « Les marquages au sol n’étaient que les derniers vestiges des élections municipales, les bâtiments n’avaient pas été désinfectés et il n’y avait pas de gel, ni de matériel pour organiser les “flux”, raconte l’enseignant. Les masques sont arrivés plus tard dans la matinée, estampillés d’un “ce produit ne protège pas des contaminations virales ou infectieuses”. Ça m’a fait bizarre. »

Les équipes font avec, préparent le bâtiment et constituent des groupes d’élèves – avant que le maire ne décide finalement de reporter la rentrée du groupe scolaire (maternelle et élémentaire) et de limiter, de moitié, le nombre d’élèves qui sera accueilli, faute de personnels. L’ouverture se fera le 25, mais « quelques ayants droit pourront être accueillis dans une autre école de la commune avant cette date ». Pour l’enseignant, « la semaine s’est déroulée dans l’incertitude totale. Il a fallu refaire plusieurs fois les groupes, en fonction des décisions de la mairie – qui a pourtant reproché aux personnels de ne pas vouloir prendre assez denfants, alors que cest elle qui navait pas les moyens den prendre plus… Les équipes se sont senties méprisées et ont eu l’impression que l’on se moquait d’elles… »


(1) Si Blanquer assure que 90% des établissements du premier degré ont rouvert, une enquête du SNUipp-FSU, syndicat majoritaire du premier degré, évoque une réouverture de 70% d’entre eux.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Les cahiers de doléances, la plus grande expression libre de notre histoire »
Entretien 10 mars 2025 abonné·es

« Les cahiers de doléances, la plus grande expression libre de notre histoire »

La députée écologiste de la Drôme Marie Pochon défend une proposition de résolution transpartisane visant à rendre publics les cahiers de doléances issus des gilets jaunes. Examiné le mardi 11 février, le texte pourrait, selon elle, être adopté.
Par Lucas Sarafian
8 mars 2025 : « Le jour où le mouvement féministe a repoussé l’extrême droite »
Reportage 9 mars 2025 abonné·es

8 mars 2025 : « Le jour où le mouvement féministe a repoussé l’extrême droite »

Face à la venue annoncée de collectifs d’extrême droite ou soutien d’Israël, les collectifs du 8 mars s’étaient organisés pour faire de cette journée de lutte pour les droits des femmes un moment de lutte antifasciste.
Par Pauline Migevant
Clémentine Autain : « Contre l’obsession identitaire, nous devons défendre l’esprit public »
Entretien 9 mars 2025 abonné·es

Clémentine Autain : « Contre l’obsession identitaire, nous devons défendre l’esprit public »

Dans son livre, L’avenir, c’est l’esprit public, la députée de Seine-Saint-Denis imagine une logique politique qui extrairait chaque décision politique de la marchandisation, une politique au service de l’intérêt général. L’élue unitaire pose peut-être la première pierre d’un programme commun pour l’avenir.
Par Lucas Sarafian
Face à la nouvelle donne géopolitique, les syndicats ne veulent pas lâcher les travailleurs ukrainiens
Syndicats 7 mars 2025

Face à la nouvelle donne géopolitique, les syndicats ne veulent pas lâcher les travailleurs ukrainiens

Alors que les forces politiques se divisent suite à l’abandon américain de l’aide à l’Ukraine, les syndicats essaient de rester unis dans le soutien aux travailleurs et travailleuses ukrainiennes, défendant tous une « paix juste et durable ». La question de l’Europe de la défense ne fait pas l’unanimité.
Par Pierre Jequier-Zalc