Hommage : Idir, la Kabylie et le monde
Le chanteur est mort le 2 mai à l’âge de 70 ans.
dans l’hebdo N° 1602 Acheter ce numéro
Le 22 juin 1995, sur la scène du Zénith, à Paris, un concert est donné en soutien au peuple algérien en butte aux attentats et aux massacres. Des artistes français ont répondu présents – Le Forestier, Higelin, Bedos… Mais l’événement le plus significatif est la réunion sur scène de Cheb Mami, Khaled et Idir. Par ce geste, les trois musiciens abolissent les barrières entre Arabes et Kabyles. Idir est à l’initiative de ce concert. C’est lui qui a invité ses deux confrères et amis arabes.
Un acte à l’image de toute sa vie, commencée dans un village non loin de Tizi Ouzou le 25 octobre 1949, et achevée, à 70 ans, le 2 mai, à Paris. Idir, de son vrai nom Hamid Cheriet, a été l’un des plus grands ambassadeurs de la langue et de la culture berbères tout en restant constamment ouvert aux autres mondes. Il a ainsi démontré, contre tous ceux qui s’arc-boutent sur une identité, qu’il est possible de revendiquer l’appartenance à un peuple tout en établissant de multiples ponts. Ce mot, « identités », Idir ne l’employait d’ailleurs qu’au pluriel, comme il l’a fait pour le titre d’un de ses albums, en 1999, y conviant des artistes d’horizons divers : Manu Chao, Maxime Le Forestier, Dan Ar Braz, Zebda…
Lui qui avait fait des études de géologie a malgré tout baigné très tôt dans la musique. Enfant, la flûte de berger (son père l’était) n’a eu bientôt plus de secret pour lui. Quant à son parcours de chanteur, il commence fortuitement : en 1973, Idir remplace au pied levé sur Radio Alger une chanteuse empêchée et interprète la berceuse qu’il lui avait composée : « A Vava Inouva ». Un début en forme de triomphe. La chanson devient un hit planétaire, le premier issu d’Afrique du Nord.
Ce morceau, comme le souligne Magyd Cherfi dans son texte d’hommage, mêle déjà « une musique (folk) moderne et des mélopées orientales ». Mais Idir ne brassait pas seulement les genres musicaux. Il était aussi un point de rencontre entre générations, en Algérie et par-delà la Méditerranée. Ses huit albums l’attestent : du plus intime, Adrar Inu (2013), aux projets partagés avec des artistes de son choix, notamment des rappeurs sur La France des couleurs (2007). Sur le dernier, Ici et ailleurs (2017), fait de duos, l’émotion est là quand certains, comme Charles Aznavour, se risquent à chanter en berbère. On y remarque aussi ce titre, « Les larmes de leurs pères », où Idir et Patrick Bruel, leur voix s’accordant à merveille, tissent un splendide éloge des révolutions arabes. Mais aujourd’hui, ce sont les larmes des enfants d’Idir – que nous sommes tous – que l’on ne peut retenir.
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