Le monde d’après sera féministe ou ne sera pas

Les membres de l’association écologiste Climat social s’inquiètent pour la condition des femmes en période de confinement et plaident pour une révolution de tout le système patriarcal.

Collectif  • 9 mai 2020
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Le monde d’après sera féministe ou ne sera pas
© Photo : Alain Pitton / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Dix jours avant le début du confinement, les forces de l’ordre chargeaient et violentaient des femmes qui manifestaient pour leurs droits et dans leur droit. Elles défendaient leur place dans l’espace public. Leur droit de ne plus avoir peur. Leur droit d’exister autant que les hommes. Le lendemain, elles ont été des milliers à manifester pour l’égalité entre les hommes et les femmes et contre les violences sexistes.

Qu’en est-il en temps de COVID-19 ?

Les femmes subissent une double peine : celle d’être à la fois les plus touchées par les conséquences de la pandémie et les plus impliquées, en première ligne. À la fois victimes et « héroïnes ». Mais ce que nous vivons actuellement n’est qu’une version exacerbée de la situation quotidienne des femmes. Et cette crise aura au moins servi à dévoiler cette réalité aux yeux de tou·tes.

Au front – hier, aujourd’hui et demain

L’Etat compte ses sous, on comptera nos morts

En France, les femmes représentent 78% des travailleurs·ses du secteur de la santé. Et elles sont plus nombreuses encore chez les infirmières, les aides soignantes… Tous ces métiers du « care » essentiels à nos sociétés et pourtant si dévalorisés, invisibilisés et sous-payés.

« 1500€ [de prime] pour celles en contact avec le COVID et 500€ pour les autres. […] C’est non, on n’en veut pas de leur carotte. Moi je veux de l’argent pour les hôpitaux, pour les maisons de retraite, pour les soins à domicile, pour traiter mes patients avec dignité. Cela fait plus de 15 ans que ça dure et que les conditions se dégradent. Sans nous, il n’y a pas de soin, pas de santé ».

Aujourd’hui comme hier elles sont là pour nous. Au péril de leur santé et de leur vie.

Comme les caissières, les aides à domicile, les travailleuses sociales, les femmes de ménage, les préparatrices, les secrétaires, les agricultrices, les bénévoles… Et aussi les enseignantes, qui demain retourneront dans les classes la boule au ventre.

« Le directeur nous a dit d’être transparents : la sécurité ne sera pas 100% garantie. Et il nous a demandé de sonder les parents d’élèves. Résultat : 6 « non » et 2 « peut-être » dans ma classe. Une classe de CM2 a entièrement voté « non ». Et moi je me débats avec des élèves qui lâchent totalement le fil scolaire… C’est très compliqué, on est tous très isolés » , Virginie, institutrice.

C’est bien une « bande de femmes » qui tient le pays à bout de bras.

À la maison – dans nos têtes et dans nos corps

Il faut ensuite s’occuper des tâches domestiques qui ont augmenté en période de confinement. Les enfants, les devoirs, les repas, le ménage… mais aussi rester belle et coudre des masques pour tout le pays !

La « surcharge » mentale, émotionnelle et physique augmente considérablement. Cette situation est au mieux éreintante et pénalisante pour celles qui sont en télétravail ; et, au pire synonyme de violences physiques et mentales accentuées de la part des conjoints.

Selon France Info, les violences conjugales ont augmenté de 35% dès la première semaine du confinement.

À chaque fois qu’il y a une crise, il y une augmentation des violences. Cette crise-là nous oblige à rester enfermées chez nous. Le conjoint violent peut donc l’être toute la journée, c’est l’enfer en continu.

L’enfer jusque sur la toile, où l’association Noustoutes, entre autres, s’inquiète du cyber-harcèlement qui a déjà coûté la vie à deux jeunes filles et a lancé une pétition pour protéger les femmes des violences en période de confinement : à signer ici.

Dans la rue et « en marge » de la société – une vulnérabilité exacerbée

« Le pouvoir politique n’a pas pris en compte […] les femmes en situation de prostitution jetées à la rue à la frontière franco-espagnole au moment du confinement. Pourtant elles ont des droits comme tout citoyen. Si des touristes avaient été bloqués à la frontière sans possibilité de se confiner, je suis sûre que les politiques auraient pris des mesures très rapides », Clarisa Velocci, association Genera

Sans oublier les femmes SDF, les exilées, les migrantes, les précaires et les personnes en situation de prostitution qui subissaient déjà de plein fouet la violence de la société et dont la vulnérabilité a encore été amplifiée par la pandémie.

L’espace public déserté est le lieu d’agressions, les viols s’y multiplient. La présence policière, dans tous ces excès et sa brutalité, ne contribue que trop peu à sécuriser la rue pour les femmes.

Une impunité s’installe. Seuls quelques scandales relayés sur les réseaux sociaux viennent l’éclairer.

« J’étais juste sortie pour nourrir mon bébé », Ramatoulaye, jeune maman, 19 ans, brutalisée par des policiers en Seine-Saint-Denis.

Au pouvoir – médiatique et politique

« En travaillant 10 ans à Elle, j’ai halluciné le jour où j’ai entendu le chiffre du GMMP [Global Media Monitoring Project, étude internationale de référence en matière de représentation du genre dans les médias] indiquant que les femmes ne représentaient que 24,1% des sujets des nouvelles, tous médias confondus. (…) On a plus le choix que de se mettre à la politique les filles ! Stop aux mecs blancs et à leurs angles morts », Lauren, journaliste.

Les tribunes s’enchaînent, les experts se succèdent sur les plateaux télé et radios, dans la presse écrite et sur les réseaux sociaux : les hommes « savent » et nous le font savoir. Où sont les expertes, les décideuses ? La surreprésentation des hommes blancs quinquagénaires au pouvoir et dans les médias, s’accentue en ces temps de crise dépeinte comme une « guerre » et favorisant des postures martiales.

Ailleurs, des femmes cheffes d’État font l’exemple d’une approche plus sereine, plus démocratique et se passent bien de toute référence militaire. Avec, souvent à la clé, de meilleurs résultats

Ici et Ailleurs – on se bat et on nous rabat

N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.

C’est très clair. Merci Simone de Beauvoir !

En France, des femmes se font verbaliser pour être sorties acheter des protections hygiéniques et des contraceptifs, non considérés comme des besoins de première nécessité par certains policiers.

En Italie, des maires ont proposé des périodes de confinement plus strictes pour les femmes que pour les hommes, ce qui inquiète également la communauté transgenre.

En Irlande du Nord, deux femmes auraient tenté de se suicider à cause de l’impossibilité de pratiquer une IVG.

Au Bangladesh, les ouvrières du textile, déjà exploitées par les entreprises occidentales, manifestent pour continuer d’être payées.

Et tant d’autres histoires…

Ce virus a mise à nu la violence de notre société, encore largement dominée par la culture patriarcale. Victimes du système politique et économique, nous sommes touchées de façon disproportionnée lorsque ce dernier est secoué par une crise. Et c’est encore nous qui sommes appelées « au front » pour sauver un système qui nous opprime.

On le savait déjà, mais on ne peut plus le nier, on ne peut plus faire semblant. Cette pandémie est un coup de projecteur sur les déséquilibres et les systèmes de domination qui préexistaient et continueront d’exister si nous ne faisons rien.

Alors profitons de cette crise pour parler et dire stop. Si ce n’est pas nous, qui le fera ? Si ce n’est pas maintenant, quand ?

Nous, les femmes, de toutes classes sociales, de toutes origines, ne voulons plus de ce monde. Un monde que nous tenons à bout de bras. On se lève, on dit stop et on s’engage.

Le monde d’après sera féministe ou ne sera pas.

Autrices : Anna Laurent, Claire Lejeune, Pépita Car et Souba M, membres de l’association écologiste Climat Social

Signataires : Ariane Ascaride, Comédienne ; Clémentine Autain, Députée ; Esther Benbassa, Sénatrice écologiste de Paris ; Leïla Chaibi, Députée européenne France Insoumise ; Caroline Fiat, Députée, aide-soignante ; Rokhaya Diallo, Journaliste et réalisatrice ; Annie Lahmer, Conseillère Régionale Écoféministe ; Françoise Kiéfé, Attac ; Anne Delaporte, Infirmière retraitée ; Danielle Simonnet, Décidons Paris ; Ophélie Latil, Fondatrice de Georgette Sand ; Léa Vasa, Elue écologiste de Paris et membre du squat le Landy Sauvage à Saint-Denis ; Pascale Stevens, Institutrice ; Pauline Boyer, Activiste climat ; Anne-Claire Boux, Candidate écologiste à la Mairie du 18eme arrondissement de Paris ; Coralie Arnoult, Professeure de danse ; Héroïnes de la rue 95, Collectif ; Inès Clerice, Etudiante ; Sylvie Guichenuy, Comédienne ; Barbara Lepeltier, Etudiante en traduction ; Isabelle Mazin, Comédienne-chanteuse ; Pandora Reggiani, Co-secrétaire départementale EELV Paris ; Jiwo Penenutz, Bénévole associatif ; Pascale Ponchel, Professeur des écoles à la retraite ; Laura Châtel, Salariée d’une ONG ; Alexandra Pic, Comédienne ; Les Ecarlates, Mouvement citoyen féministe et pacifiste ; Alma Dufour, Activiste climat ; Inès Muriot, Ex-Candidate France insoumise aux élections européennes ; Sovannbopha Sip, Couturière ; Malika Errajafiallah, Juriste en droit social, conseillère fédérale EELV Ile-de-France et membre actif Climat Social ; Tamara Al Saadi, Autrice Metteuse en scène ; Anais Peltier, Infirmière ; Isabelle Côte Willems, Comédienne ; Irène Fourdain, Féministe pour la liberté et l’indépendance des femmes ; Alizée Galtier, Cheffe de projet digital et événementiel ; Alice Bosler, Coordinatrice des Jeunes Génération.s ; Little Miss Punchline, Militante et blogueuse féministe ; Tessa Volkine, Comédienne ; Alexandra Luthereau, Indépendante ; Christelle Lamarre, Auteure Réalisatrice ; Inès Joly, Développeuse ; Aneth Hembert, Militante EELV et Jeunes Ecolos ; Anne-Céline Pouvel, Enseignante ; Floriane Potiez, Actrice ; Anahita Grisoni, Sociologue – Urbaniste, Environnement, Ville, Société ; France Ducateau, Comédienne ; Sabrina Benmokhtar, Hôtesse de caisse militante JG /G.s ; Anita Mas, Créatrice ; Anne Broussard, Comédienne ; Joséphine Delpeyrat, Membre du collectif National de Génération.s ; Karina Perez, Co-Présidente du REFER (réseau francilien du Réemploi) – Eco-actrice ; Arabella Cruse, Agent littéraire ; Laura Paggi, Etudiante ingénieure matériaux ; Anne-Flore Rives, Décidons Paris ; Anne-Laure Gruet, Actrice, autrice, metteuse en scène ; Geneviève Lardy Woringer, Assistante sociale et co-secrétaire EELV Paris 14 ; Assetou Kaba Bénévole ; Lou-Lélia Demerliac, Etudiante en école d’ingénieur.e ; Lucie Le Carrer, Scénariste ; Mathilde Nutarelli, Militante Jeunes Génération·s ; Salomé Maxe, Conseillère Principale d’Education ; Maïté Cotton, Comédienne ; Audrey Lemoine, Bénévole associatif ; Aurélia Puchault, Comédienne ; Babette Vimenet, Femme solidaire ; Barbara Creutz, Scénographe ; Johanne Clarac, Co-présidente de l’association EcoSila ; Isalinde Giovangigli, Comédienne ; Camo DG, Bénévole ; Mathilde Tessier, Co-responsable de la commission énergie d’EELV ; Catherine Salvini, Comédienne ; Cécile Boulangeot, Etudiante à l’ENSAE ; Chloé François, Etudiante (militante pour la justice sociale et climatique) ; Valérie Bournet, Comédienne ; Victoire Diethelm, Militante à la France Insoumise ; Virginie Bisciglia, Comédienne ; Alexandria Morée, Manager de restaurant ; Christine Culerier, Comédienne ; Claire Grover, Militante écolo et cycliste ; Claire Martin, Etudiante en école d’ingénieur.e ; Marina Verronneau, Militante EELV ; Marie Eynard, Scénariste ; Lola Messica, Etudiante ; Lolita Ponce, Artiste ; Angèle Ducatillion, Sociologue de l’environnement et étudiante en Master 2 d’Economie Sociale et Solidaire, militante féministe ; Louise Lebrat, Régisseuse Générale Audiovisuel ; Claire Mermoz, Responsable associative et militante ; Brigitte Roussillon, Psychologue ; Claire Tran, Féministe ; Dominique Frot, Actrice ; Marine Calmet, Juriste pour les droits de la nature Présidente association Wild Legal, Marion Beauvalet, Décidons Paris ; Martine Fontaine, Comédienne ; Mathilde Estlimbaum, Architecte et cuisinière ; Coline Bouret, Militante féministe ; Debora Marty, Psychologue ; Diane Martin, Comédienne ; Dominique Louise Leclercq, Economiste sociale ; Eina Scal, Militantisme Facebook ; Elisabeth Perez, Productrice ; Elise Lowy, Co-fondatrice de PEPS ; Elodie Perrichon, Responsable associative et militante, mère de deux enfants ; Sophie Mandonnet, Monteuse de films ; Eloise Leclercq, Chargée de mission Economie Circulaire ; Emmanuelle Danesi, Militante féministe ; Enora Chopard, Militante Jeune Écologiste ; Estine Coquerelle, Dessinatrice ; Francine Bavay, Citoyenne du monde ; Françoise Lorente, Actrice et metteuse en scène ; Hélène Hardy, Bibliothécaire bénévole au centre social, membre du bureau exécutif EELV ; Sophie Bourel, Actrice et porteuse de projets ; Samia Hasnaoui, Militante féministe, politique et associative ; Vivianne Perelmuter, Cinéaste ; Geneviève Vassaux, Bénévole ; Géraldine Martineau, Actrice et metteuse en scène ; Hadjara Karamoko-Mercy , Chargée de communication digitale ; Isabelle Ingold, Monteuse et réalisatrice ; Julia Podgorsek, Enseignante ; Juliet Lemonnier, Actrice de fiction ; Kamera Vesik, Présidente d’association ; Marie Fabrie, Comédienne ; Laure Maillard-Lemaux, Professeure des écoles ; Soukaïna Larabi, Membre du collectif National de Génération.s ; Virginie Morel, Professeur ; Yaël Tama, Artiste ; Laurence Bournet, Femme de cette vie ; Louise Moulin, Artiste graphique ; Marie-Pierre Thomas, Autrice scénariste ; Margaux Lefebvre, Formatrice et enseignante en communication ; Hélène Boisbeau, Metteuse en scène ; Margaux Rouchet, Jeune Socialiste ; Margot Belair, Militante écologiste et féministe ; Marie Chambrette, Etudiante en école d’ingénieure ; Pauline Magnat, Militante écolo et féministe ; Marie de Banville, Scénariste ; Sheila O’Connor, Scénariste-réalisatrice ; Maud Gedge Devillers, Responsable maîtrise des risques ; Sophie Millon, Comédienne ; Ricarda, Pédagogue ; Roxane Charabot, Militante FI et XR ; Pattamanun Poldej, Bénévole ; Mélanie Scalone, Professeur de français et militante féministe ; Mélanie Trugeon, Auteure-Réalisatrice ; Raphaëlle Rémy Leleux, Militante féministe ; Séverine Lathuilliere, Productrice-Réalisatrice ; Morgane Bérengère Germain, Auto-entrepreneuse dans le domaine textile ; Morgane L’œuf Aou, Graphiste ; Muriel Beaujean, Conseillère conjugale et familiale ; Nadine Herrati, Femme, infirmière et élue écologiste ; Nadine Marcovici, Comédienne féministe ; Nadine Techer, Infirmière Puéricultrice secteur médico-social ; Sophie Picciotto, Comédienne-réalisatrice ; Nathalie Eynard, Professeure ; Nathalie Vidal, Citoyenne engagée ; Noélie Raix, Artiste, militante féministe ; Noémie Pasquier, Etudiante ; Sarah Legrain, Décidons Paris ; Odile Perrin, Enseignante formatrice ; Ophélie Koering, Comédienne ; Patricia Pol, Universitaire militante ; Chloé Guilhem, Photographe ; Sarah Lecroq, Etudiante en Droit ; Pauline Couvent, Militante écologiste et animaliste EELV ; Valérie Laurent, Cadre éducatif médico-social ; Séverine Huille Militante chez les Jeunes Ecologistes Ile de France ; Pauline Gardel, Musicienne ; Poppée Mongruel, Etudiante à l’ENSAE ; Prïncia Car, Réalisatrice ; Sandrine Verjat, Enseignante féministe militante ; Sophie François, Bénévole ; Valériane Cariou, Scénariste…

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