Des voix à l’unisson pour encadrer l’influence de la publicité et des multinationales

Le rapport Big corpo, porté par 22 associations, dénonce l’impact des publicités dans l’espace public. Un impératif écologique et démocratique, surtout en cette période de relance économique.

Maeva Chirouda  • 11 juin 2020
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Des voix à l’unisson pour encadrer l’influence de la publicité et des multinationales
© Photo : JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Publicité et multinationales font bon ménage… sauf pour la planète et la démocratie citoyenne ! Une vingtaine d’associations (Les Amis de la Terre, Résistance à l’agression publicitaire, Foodwatch, UFC Que choisir…) ont décrypté les mécanismes des lobbys et multinationales pour inciter à consommer dans un rapport intitulé « Big corpo, Encadrer la pub et l’influence des multinationales : un impératif écologique et démocratique ».

En point de mire : une communication publicitaire au service des grandes entreprises pour vendre des produits bien trop souvent nuisibles à la planète et à la santé. Une communication mise au service d’une influence politique qui biaise le débat démocratique autour de ce sujet.

Une des problématiques soulevées est celle du contrôle des moyens de production et surtout des décisions d’investissement. Selon le rapport Big Corpo « les dépenses annuelles mondiales de publicité et communication des grandes entreprises dépasseront les 1.500 milliards de dollars en 2021 ». « À l’échelle macroéconomique et dans ce contexte de crise écologique, des études empiriques et sectorielles montrent que la hausse des dépenses publicitaires pouvait augmenter le niveau de consommation global », explique Mathilde Dupré, codirectrice de l’Institut Veblen.

Cercle vicieux de la surconsommation

L’industrie du Fast Food en est un exemple criant. « En 2018, McDonald’s, Burger King et KFC ont dépensé ensemble plus de 350 millions d’euros de publicité en France. »

Le secteur du fast-food, qui se définit par le fait de servir dans des emballages jetables, ne pose pas seulement des problèmes de santé publique : McDonald’s génère 115 tonnes d’emballages par jour en France, 2,8 tonnes chaque minute au niveau mondial.

Un constat alarmant au vu du contexte d’urgence écologique. Pour les associations à l’origine de ce rapport, il est grand temps de se tourner vers un nouveau modèle économique et culturel.

Un cercle vicieux bien connu et infernal : la publicité crée de faux besoins, provoque souvent des dépenses inutiles et la surconsommation contribue à l’épuisement de nombreuses ressources et à la prolifération de déchets très polluants. Selon l’association Résistance à l’agression publicitaire (RAP), près de 31 kilos de prospectus par an et par boîte aux lettres partent directement dans les poubelles.

« En l’espace de trente ans, la publicité aurait induit environ 6% de plus de surconsommation et nous pensons que nos gouvernants n’agissent pas dans le sens de l’urgence climatique, l’outil législatif n’en est qu’à ces premiers balbutiements pour encadrer le marketing et la publicité », déclare Marie Cousin, présidente de RAP. Un bilan amer se fait ressentir, puisque la loi relative à l’économie et à la lutte contre le gaspillage pénalisera les sociétés qui contreviennent à l’autocollant « stop pub » sur les boîtes aux lettres à l’horizon 2021, une bien maigre victoire pour les associations.

« Certaines multinationales ont commencé à développer des chartes éthiques qui ont pour but d’essayer de mettre en avant de bonnes pratiques et de cacher des pratiques controversées », ajoute Juliette Renaud, responsable de campagne sur la régulation des multinationales aux Amis de la Terre France. Des pratiques qui se rapprochent du greenwashing, et qui servent surtout à duper les citoyen·nes sur les véritables intentions de ces grandes industries. Selon le rapport, « McDonald’s, EDF, Nestlé et Engie sont les quatre entreprises ayant le plus communiqué sur le développement durable en 2018-2019, avec plus de trente campagnes chacune ». Le but étant pour ces multinationales d’obtenir une légitimité sociale de leurs activités et ainsi empêcher les normes contraignantes de les sanctionner si besoin.

Question de démocratie

Pour Dominique Potier, député PS de la cinquième circonscription de Meurthe-et-Moselle{: target= »blank » }, un véritable combat s’engage contre ces activités publicitaires bien trop envahissantes : « Cette bataille culturelle contre le consumérisme doit occuper une place centrale ! » S’affranchir de cette industrie est une question de démocratie car cette toute-puissance du privé sur les citoyens pose un vrai problème d’équilibre des forces. « Les Français financent en moyenne 30 milliards d’argent privé pour la publicité. Cela représente l’équivalent de ce qui serait nécessaire pour engager annuellement une transition écologique. Un choix de société qui peut changer… », poursuit le député socialiste.

Pour les associations, le second tour des élections municipales pourrait servir de tremplin pour accélérer la prise de conscience. « Le gouvernement relaie cette question de l’interdiction des écrans numériques publicitaires au niveau local et on espère que beaucoup d’élus s’empareront de cette question afin de la mettre en lumière. Nous ne voulons pas de retour à l’anormalité », conclut Marie Cousin. L’aboutissement à terme serait de faire progresser la liberté de réception, interdire les écrans numériques publicitaires ou encore supprimer les dispositifs énergivores.

Les différentes associations et les députés comptent aussi fortement sur les propositions qui seront débattues durant la Convention citoyenne du climat concernant les espaces publicitaires dans les lieux publics. « Nous sommes dans les starting-blocks à l’Assemblée nationale pour traduire un certain nombre de propositions des associations en mesures législatives », assure Delphine Batho. En espérant aussi une prise de conscience au sein de la société pour un retour à l’essentiel. Et donc consommer moins et mieux.

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