Doublé gagnant à Lyon
Alliés à la gauche, les écolos balaient l’ère Collomb et prennent la ville et la métropole. Grégory Doucet et Bruno Bernard veulent en faire « une référence en matière d’écologie ».
dans l’hebdo N° 1610 Acheter ce numéro
Lyon est faite de cette étoffe dont sont tissés les rêves. Le rêve est devenu réalité ce soir. » C’est par ces mots que Grégory Doucet, candidat de l’union d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) et de la gauche aux municipales, a résumé la vague verte sans précédent sur Lyon. Avec un peu plus de 52 % des suffrages, la victoire est éclatante. Un véritable camouflet pour le baron local, Gérard Collomb, en poste depuis 2001 et dont le poulain, Yann Cucherat, récolte moins de 30 % des voix en dépit d’une triste alliance avec la droite. Maire de Lyon pendant que Gérard Collomb faisait parler de lui place Beauvau, Georges Képénékian récolte, lui, un peu moins de 18 %.
C’est depuis le Ninkasi, un bar-salle de concert du quartier de Gerland, que les écolos ont décidé de suivre la soirée. Covid-19 oblige, pas de rassemblement de militant·es mais une cinquantaine de journalistes se massent devant la scène. Lyon n’a jamais été aussi verte que ce soir. Même la communiste Givors, près de Lyon, fortement convoitée par le Rassemblement national (RN), ne résiste pas à la poussée écologiste. Dans la salle, les masques ne parviennent pas à cacher les sourires des colistiers et colistières. Les circonscriptions de la métropole de Lyon tombent les unes après les autres dans l’escarcelle des écologistes et de la gauche. Avant même les résultats officiels, Bruno Bernard monte sur la scène. « Je serai le futur président de la métropole de Lyon », annonce-t-il sobrement. Le discret quinquagénaire était à la tête d’une entreprise de désamiantage. Secrétaire régional d’EELV entre 2013 et 2016 puis membre du bureau exécutif du parti, il a une réputation de fin stratège. Vers minuit, les résultats de la métropole tombent : l’union des écolos et de la gauche obtient la majorité absolue (84 sièges sur 150).
Coup double, donc, pour les écolos. Grégory Doucet, tout sourire, évoque « un moment historique » : « Lyon avait rendez-vous avec l’histoire. Lyon est au rendez-vous. » À 46 ans, ce grand brun d’origine parisienne était inconnu des Lyonnais·es il y a six mois. Novice en politique, il a d’abord fait ses armes dans le monde de l’humanitaire. Président du Génépi pendant ses études, il a ensuite travaillé pour l’Adie (le spécialiste du microcrédit) avant d’enchaîner les missions à l’étranger pour Inter Aide, une organisation humanitaire spécialisée dans la réalisation de programmes de développement ruraux. Ce n’est qu’en 2007 qu’il s’encarte à EELV. Deux ans plus tard, il rejoint le siège de Handicap International, à Lyon.
Au soir de sa victoire, le nouveau maire de Lyon a annoncé de grandes ambitions. « Nous devons sortir du déni, d’un modèle qui est dépassé. Lyon va devenir une référence en matière d’écologie, annonce-t-il avec détermination. Je serai le maire qui redonne le pouvoir aux habitants, qui ancre les femmes dans la vie de la cité avec la parité, qui soutient les initiatives citoyennes. Je serai un maire à l’écoute et qui délègue. » Démocratie locale, économie locale, relocalisation de l’alimentaire, gestion des déchets, mobilité, pollution… La nouvelle majorité a du pain sur la planche.
Et ses membres sont attendus au tournant. Sitôt le bref discours de Bruno Bernard expédié, une dizaine de militant·es d’extrême gauche ont décidé de lui lancer un premier défi. « Quelle est votre position sur la trêve hivernale ? », s’époumone une jeune femme. Aux cris de « Pas d’expulsion sur le logement ! Prolongation de la trêve hivernale ! », les militant·es déroulent une banderole provocante : « Mairie verte ? Maintenant à Lyon, pas d’expulsion ! » « Nous aurons l’occasion d’en rediscuter », glisse Bruno Bernard avant de s’éclipser.
De l’autre côté de l’échiquier politique, Gérard Collomb a du mal à encaisser. Il fustige les « propositions irréalistes » des écolos, soutenant mordicus que lui proposait « une écologie de l’avenir », paradoxalement incarnée par son soutien indéfectible à l’Anneau des sciences, un projet d’autoroute urbaine. Ce vendredi 3 juillet, c’est pourtant lui, en tant que doyen des élu·es du conseil municipal, qui devra remettre l’écharpe au nouveau maire. En attendant, les équipes de Bruno Bernard et de Grégory Doucet ont décidé de continuer la soirée au QG de campagne des verts. La salle est comble, emplie de cris de joie des militant·es qui acclament l’arrivée de Grégory Doucet. À bicyclette, bien sûr.