Hôpital de Lisieux : la fermeture d’un service entier alarme les soignants
Tout le service de médecine interne de l’hôpital de Lisieux (Calvados) ferme ses portes début juillet. En cause : le départ à la retraite du chef de service, non remplacé. Alors que la direction tente de calmer les esprits, les soignants, vent debout, appellent à l’aide.
Alors qu’à Lisieux, le service de médecine interne, transformé en unité COVID, sort à peine la tête de la crise, la direction a annoncé sa fermeture dès le 1er juillet. En cause : le départ à la retraite du chef de service, non remplacé. A 67 ans, ce départ aurait largement pu être anticipé d’après le personnel soignant.
« Nous avions engagé une recherche active depuis 2019, se défend la direction de l’hôpital par la voix de Thierry Fassina, secrétaire général en charge de la communication. Nous avons eu connaissance officiellement de la date de départ en retraite pendant la crise COVID-19. » Explique-t-il.
Or d’après l’équipe de soignants, la situation est un peu plus complexe. Le départ à la retraite du chef de service est en discussion depuis plusieurs mois déjà ce qui fait dire à l’équipe que cette situation aurait pu être anticipée.
Plusieurs entretiens d’embauches ont eu lieu, mais sans succès. « Un recrutement qui aboutit est le résultat d’un accord sur la rémunération, sur un projet de service, d’établissement et des choix de vie personnel, un lieu d’habitation, explique Thierry Fassina. L’attractivité pour l’hôpital public ne peut être disjointe de la problématique des rémunérations qui sont fréquemment un sujet de concurrence avec le secteur privé. »
« On sait que ce n’est pas facile de recruter un médecin pour nos hôpitaux de périphérie, mais ce n’est pas à nous de pâtir de cette problématique. C’est un problème national !, clame Anaïs Mauger, infirmière. A partir de juillet, les patients seront envoyés à Caen, à 45 minutes d’ici. Pour certains ça peut rajouter d’une à deux heures de transport en plus ! »
Baisse du nombre de lits
Au sein de cet hôpital, qui rayonne sur une population d’environ 140 000 personnes, ce service polyvalent, gère différents types de pathologies, comme les diabètes ou encore les personnes atteintes de cancer qui suivent une chimiothérapie. La direction promet que sa fermeture est temporaire. « Ce service de 15 lits ferme provisoirement, jure-t-elle. En parallèle, des lits de médecine seront rouverts dans d’autres services »
Sauf qu’à l’origine, ce service comptait 25 lits. Ce n’est que depuis janvier que le nombre de lits a été réduit à 15, suite à la mise en arrêt maladie du deuxième médecin du service… qui n’a pas non plus été remplacé. « La difficulté à trouver un ou des remplaçants relève des mêmes éléments que pour le départ du médecin à la retraite. La période de crise a aggravé cette situation », plaide M. Fassina.
Pendant la crise, la solidarité interne a joué à plein et tous les services de l’hôpital ont réduit leur capacité de lits à 15, ce qui fait dire aux soignants mobilisés que l’annonce de transferts de leurs lits dans les autres services, pour pallier à la fermeture de la médecine interne, n’est qu’en fait, le retour à la normale d’avant la crise.
D’après eux, la direction se livrerait à un tour de passe-passe pour réduire le nombre de lits.
« Si notre service ferme, même s’ils rouvrent des lits dans les services qui en avaient fermés pendant la crise, il manquera toujours 25 lits à la fin ! » s’étouffe Julie.
Une situation qui va déstabiliser tout l’hôpital. « On prend aussi des patients pour décharger les urgences… tout l’hôpital sera affecté ! » continue l’aide soignante.
Appel à l’aide
Le service, qui doit fermer dans une semaine, est aujourd’hui en surcharge : « on est plein : 17 lits occupés pour 15 places, s’alarme Julie. On ne sait pas comment ça va se passer. Les collègues paniquent aux urgences »
En parallèle, les 22 agents hospitaliers du service – jour et nuit confondus – sont reçus pour faire part de leur choix d’affectation pour la rentrée – l’été étant comblé par des remplacements de congés. « On nous demande où on veut aller après septembre. Ils disent qu’il ne vont rouvrir qu’en novembre. Pourquoi novembre ? se demandent les soignantes. On a la sensation qu’on nous cache quelque chose. »
Inquiète, toute l’équipe s’est mobilisée sur les réseaux sociaux pour tenter de recruter des médecins et éviter la fermeture de leur service qu’ils craignent définitive.
« On dépend de décisions de personnes qui ne se rendent pas compte parce qu’ils ne sont pas sur le terrain, lance Anaïs. On ne réfléchi plus autour de la qualité d’accueil du patient : en 2020, en France, on ne devrait pas être moins bien soigner en périphérie que dans les grandes villes ! »
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