Mon nom est liberté (sexuelle)
Pour leur premier documentaire, Lisa Billuart-Monet et Daphné Leblond se sont attaquées au tabou de la sexualité des femmes.
dans l’hebdo N° 1608 Acheter ce numéro
Au terme de la projection de Mon nom est clitoris, on pense immédiatement aux vers de Paul Éluard : « Et par le pouvoir d’un mot / Je recommence ma vie / Je suis né pour te connaître / Pour te nommer : Liberté. » Liberté, parce qu’en faisant témoigner une douzaine de femmes, jeunes – entre 20 et 25 ans –, de leur vie intime, c’est tout un pan de la sexualité féminine que les réalisatrices Lisa -Billuart-Monet et Daphné Leblond dévoilent dans leur premier film.
Ce documentaire de 88 minutes est en effet une ode à la liberté des femmes. Celle de désirer et de se connaître pour jouir sans entraves. Au-delà du clitoris, encore trop absent des livres scolaires – et malgré les scènes amusantes où les jeunes femmes découvrent sa taille réelle en maquette –, les réalisatrices s’attaquent au tabou de la sexualité féminine, écrasée sous le poids du désir des hommes et de leurs sacro-saintes « pulsions », tue, non enseignée… La sexualité, quand on est une femme, s’apprend seule.
Cantonnées à un rôle de « reproductrices », puisque seuls le vagin, l’utérus, les trompes de Fallope, ovaires et autres termes médicaux leur sont enseignés, les jeunes femmes se racontent : de leurs premiers émois durant l’enfance – comme l’avait fait, en 2008, Annie Ernaux, dans Les Années – aux cours d’éducation sexuelle au collège, au vide et à l’absence de réponses quant au désir féminin ; la quête du plaisir, invariablement coupable à ses débuts ; la découverte dudit clitoris, le seul organe du corps humain uniquement destiné au plaisir ; l’âge de faire les premières rencontres, les jeux à deux… Et leur dangerosité. Comment savoir si l’on désire alors que rien ne vous a été enseigné sur ces questions ? À quel moment dire « non » ? Comment imposer son propre désir, son propre plaisir, ses envies à l’autre ?
Dans leur chambre, assises ou allongées sur leur lit, face aux réalisatrices, avec lesquelles elles interagissent, et à leur caméra, ces femmes abordent aussi leur féminité, le poids du regard des hommes sur leur corps, le harcèlement dès l’adolescence, parfois avant même la puberté. La sexualisation de ce corps. Un corps de femme, de femme racisée – « On me voit soit comme la femme soumise qui a 16 grands frères, séquestrée par son papa, soit comme la “beurette” des films porno », regrette l’une –, leur corps de femme à mille lieues des couvertures des magazines féminins… La question de la « grossophobie » et du corps de la femme ronde est abordée. Les femmes considérées comme « non désirables » sont-elles autorisées par la société à désirer ? La réponse est oui. « Oui », aussi, à toutes les sexualités qui sortent de la norme hétérosexuelle : les femmes interrogées sont hétéros, lesbiennes, bi, pan…
Cru, franc, intime sans jamais être vulgaire, Mon nom est clitoris déconstruit avec brio les clichés sur les rapports sexuels : la pénétration comme élément central d’un rapport, la masturbation… Connais-toi toi-même, connais ton clitoris, connais ton désir, connais ton corps ! Sans jamais verser dans le pathos, Mon nom est clitoris illumine le désir féminin, la féminité, les femmes, et replace ces éléments à leur juste place, loin des poncifs sur la vierge et la putain. Un film pour tous, à voir, à partager et à diffuser au plus grand nombre. À commencer, peut-être, par les écoles…
Mon nom est clitoris En salle le 22 juin et visible dès le 17 via la plateforme La 25e Heure.