L’open space de demain sera-t-il vert ?
De nouvelles pratiques initiées par des praticiens de l’écologie au travail se développent. Un phénomène, analysé par des sociologues, que le Covid-19 semble accélérer.
Partager des valeurs communes avec ses collègues dans une démarche collective ? C’est ce que des adeptes de pratiques écologiques appelés des « transféreur.euses » tendent à mettre en œuvre sur leur lieu de travail, des pratiques environnementales dont ils sont familiers à leur domicile.
Selon l’étude sociologique de Gaëtan Brisepierre, _« la transition énergétique et environnementale nécessite une profonde évolution des modes de vie et une métamorphose des pratiques sociales aussi bien à domicile que dans le travail. Jusqu’à aujourd’hui la domination du prisme technique sur ces enjeux, a conduit à séparer le « résidentiel » du « tertiaire », or ce sont les mêmes individus qui naviguent entre ces bâtiments ». À travers ce projet de recherche, les chercheurs contribuent à attester de l’existence de ce phénomène et à le mettre en lumière.
Réinventer un cadre professionnel plus vert
« Nous cherchons aussi à savoir dans quelles conditions ce phénomène de transfert pourrait être un vecteur de diffusion plus large de pratiques environnementales dans la société et donc être le point de départ d’un vecteur de changement », déclare Gaëtan Brisepierre.
L’open space de demain aurait alors pour but d’aligner ses différentes sphères de vie avec son identité, de casser le cadre hiérarchique au travers de nouvelles pratiques écologiques. Ces dernières représentent un véritable processus collectif partant de l’individu pour aboutir à un changement dans l’organisation.
Cela peut passer par la création d’un groupe de collègues intéressés par le développement durable, qui vont se réunir le midi ou encore créer des groupes de discussions sur les réseaux sociaux d’entreprises. « Tout part d’une initiative individuelle, qui va ensuite déboucher sur une envie de diffuser plus largement ses propres pratiques durables à ses collègues, cela peut passer par la projection d’un film écolo dans l’amphithéâtre ou un concours d’économie d’énergie au sein de l’entreprise », poursuit le sociologue.
L’exemple du zéro déchet, une pratique en plein développement dans les entreprises va par exemple se traduire en « zéro papier », le papier représentant l’essentiel des déchets sur lesquels les salariés peuvent avoir une marge de manœuvre.
« L’alimentation est un domaine aussi de plus en plus investi. Le travail peut devenir un lieu d’approvisionnement alimentaire, de production agricole comme avec la création de potagers sur des lieux de travail », ajoute Gaëtan Brisepierre.
Les chercheurs le soulignent : les pratiques écologiques génèrent un certain nombre de co-bénéfices qui peuvent profiter à l’entreprise. Ce phénomène, parce qu’il questionne les normes sociales et culturelles à faire évoluer pour aller vers une société plus durable, a une véritable portée sociale. En questionnant notamment le cloisonnement vie privée et vie professionnelle.
« Avec ce mouvement, il y a une réelle aspiration à plus de cohérence et de perméabilité entre ces sphères de vie. Avec le développement du télétravail dû au Covid-19, ces nouvelles pratiques correspondent à une demande des salariés aujourd’hui », conclut Gaëtan Brisepierre.
Une pratique encore informelle
Si ces éco-pratiques ont l’avantage en entreprise de redonner du sens au travail en créant notamment du lien social avec ses collègues, elles ne sont pas encore bien mises en lumière.
« Souvent il n’y a pas de temps dédié ni de budget pour ces organisations, ce qui limite l’impact des transféreur.euses », explique Delphine Labouzz, psycho-sociologue. Il reste donc à convaincre les directions de changer les règles de fonctionnement dans l’entreprise, mais aussi de changer les infrastructures matérielles.
Cela peut passer par se débarrasser des gobelets en plastique dans les machines à café par exemple. « Ce sont des choses qui peuvent paraître évidentes, mais qui demandent tout un tas de négociations en interne. Les transféreur.euses, rarement soutenu.es par la responsabilité sociale des entreprises, n’ont pas suffisamment de légitimité hiérarchique pour le faire », déplore-t-elle.
S’il y a encore certaines difficultés à trouver un consensus, les salariés se montrent ouverts à de nouveaux savoir-faire et à l’expérimentation de nouveaux gestes bons pour notre planète sur leur lieu de travail. Au tour des entreprises de mettre la machine en route pour un avenir plus vert !
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