Police : Une déficience de la formation bien connue
Des enquêtes parlementaires ont identifié d’importantes carences dans les cursus.
dans l’hebdo N° 1613-1615 Acheter ce numéro
Ces deux dernières années, plusieurs rapports parlementaires ont mis en lumière des lacunes dans la formation des policiers. Le dernier, paru en juillet 2019, émane de la commission d’enquête sur « la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité ». On peut y lire que, d’après une étude réalisée en 2018, sur 4 000 policiers interrogés, 62 % considèrent que la formation initiale est inadéquate à la réalité du terrain.
Un constat alarmant pour les parlementaires, mais qui n’inquiète pas les formateurs. « Pour moi, ça veut dire que les nouvelles recrues vont apporter des savoirs que les anciens ne connaissent pas et qu’on va faire bouger les lignes », s’emballe un formateur de l’école nationale de police de Roubaix, l’une des onze en France.
Dans cette école qui fournit environ un millier de diplômés par an, on estime qu’il n’y a rien à changer. Quarante-quatre heures de cours sont consacrées aux relations police-population, avec des interventions extérieures piochées dans une liste fournie par la direction nationale : la Licra pour le volet antiracisme, le Défenseur des droits ou encore l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour la déontologie.
Un film sur l’histoire de la police est diffusé aux élèves, « qui aborde même la partie la plus sombre de l’histoire », tient à préciser un officier formateur. En revanche, aucune approche sociologique de territoires comme la banlieue, alors que 70 % à 80 % des effectifs sont aspirés par l’Île-de-France. Pour la commissaire Céline Kichtchenko, directrice de l’école de Roubaix, « la sociologie n’est pas adaptée aux élèves gardiens de la paix, c’est plutôt pour les commissaires et officiers ».Un officier renchérit : « Ils vont découvrir tout ça sur le terrain »…
À lire notre dossier complet dans Politis 1612 : « Où va la police ? »
Et la suite dans le numéro d’été :
« La raison d’être de la police n’est pas enseignée »
Quand la maison enquête sur la maison
Témoignages : Ce que serait une « bonne » police
Politiques de sécurité : aux armes, citoyens !
Police et jeunes : l’exemple à suivre
Un terrain que les nouveaux policiers rencontrent plus vite qu’auparavant. Pour les rendre opérationnels rapidement, il faut leur donner une boîte à outils pratique, technique, psychologique et législative. Des modules d’adaptation au premier emploi, choisi par les élèves en fin de cursus (maintien de l’ordre, police aux frontières, judiciaire, etc), sont dispensés sur trois semaines, puis des formations s’enchaînent pendant leur stage de seize mois.
Mais, une fois qu’ils sont titularisés, la formation continue ne suit pas. Selon le rapport de l’Assemblée nationale, en 2018, près d’un tiers des policiers n’avaient suivi aucun module de formation continue. La pression sur les effectifs n’encourage pas la hiérarchie à laisser partir des policiers en formation.
Résultat : « Depuis 2010, le taux des personnels actifs de la police nationale, tous corps confondus, formés au tir et aux pratiques professionnelles en intervention n’a pas dépassé 71,1 % (en 2013). En 2018, un tiers environ des agents de police ne bénéficie pas de l’entraînement indispensable à une bonne maîtrise des armes »…
Un problème de répartition des formateurs a aussi été décelé par les députés : « La Seine-Saint-Denis dispose de moins de formateurs que les Hauts-de-Seine, pour des besoins infiniment supérieurs. […] Dans ces conditions, une part importante des personnels du commissariat de Drancy n’est plus habilitée à l’usage des moyens de force intermédiaire. » S’il y a une urgence pour la police, elle est bien là.