Portrait de flic : Max, 38 ans, OPJ à Paris
« Dès l’école de police, on nous dit que la banlieue est une jungle peuplée de sauvages. »
dans l’hebdo N° 1612 Acheter ce numéro
Petit garçon, Max se rêvait en Sherlock Holmes. Après avoir travaillé quelques années dans le milieu associatif, il entre dans la police à 27 ans, pour _« faire de l’humain » et *« défendre la veuve et l’orphelin ».___
Une vision « un peu naïve », confie-t-il après dix ans de métier durant lesquels les enquêtes ont laissé place à des affaires moins glorieuses. « Les premières années, je n’ai pas ressenti de pression politique. Mais il y a eu un point de bascule avec Macron. » Le policier est en colère : « Depuis deux ans, on fait de la merde. On place en garde à vue des gilets jaunes et des vendeurs de clopes à la sauvette pour qu’on dise que la police fait régner la paix sur le XVIIIe arrondissement de Paris ! »
Et le confinement n’a pas arrangé les choses. « Les contraventions pour non-respect du confinement étaient enregistrées dans un fichier informatique, explique l’OPJ. À la quatrième contravention, c’était considéré comme un délit. Aujourd’hui, il y a des gens qui ont été condamnés à de la prison ou qui sont en détention provisoire pour non-respect du confinement ! Et il y a parmi eux beaucoup de jeunes de quartier avec qui certains policiers avaient des comptes à régler. »
Si Max a été agréablement surpris par la diversité sociale des gardiens de la paix, il n’avait pas anticipé le racisme ambiant : « Dès l’école de police, il y a un discours néocolonialiste :
« On nous dit que la banlieue est une jungle peuplée de sauvages. »
Alors, l’OPJ essaie de « déconstruire ». « Je me rends compte qu’en garde à vue on a plus souvent Mohammed, 19 ans et en survêtement, que Jean-Pierre, 45 ans et son attaché-case. Parce que, lors d’un contrôle d’identité, ce n’est pas l’identité qu’on cherche, c’est l’infraction. Et plus on contrôle de Mohammed, plus on a de chances de trouver des infractions commises par des Mohammed… »
Sur le racisme comme sur les violences policières, pour Max, le problème vient de l’institution en elle-même. « Il y a des violences policières et un racisme qui sont systémiques, liés à la formation, à l’impunité, aux ordres reçus… »
Aujourd’hui, le policier a atteint ses limites. Il a déjà prévenu sa hiérarchie qu’il démissionnerait l’année prochaine. « Je viens d’un milieu de gauche, où il y avait une image négative de la police, explique-t-il. J’ai voulu aller voir de l’intérieur, en me disant que, si c’était vraiment pourri, il y avait peut-être moyen de changer les choses de l’intérieur. Mais ce n’est pas possible. »
*Les prénoms ont été changés.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don