Portrait de flic : Olivier, la trentaine, dans une BAC d’Île-de-France
« Si on est de bonne foi, on doit reconnaître qu’un policier travaille en partie au faciès. »
dans l’hebdo N° 1612 Acheter ce numéro
Une fois son bac en poche, Olivier entre immédiatement dans la police, avec une idée bien précise : devenir motard pour escorter les véhicules de dons d’organes. « J’avais en tête ce policier qui slalome pour aider les personnes malades, se souvient-il en riant. Puis je me suis rendu compte que c’était surtout du code de la route… » Olivier intègre finalement police-secours de nuit, en banlieue parisienne, puis une BAC départementale.
En mission dans certains quartiers, le jeune policier a du mal à encaisser les insultes et les jets de cailloux. « J’avais jamais vu une cité avant d’arriver à Paris, explique-t-il. Entre ce qu’on imagine et ce qu’on constate dans le quartier, il y a une vraie différence. Dans les quartiers difficiles, on ne veut pas nous voir. »
Pour autant, le baqueux n’a pas renoncé à aider, à sa manière. « Je vais là où les gens ont le plus besoin de moi. Plutôt dans les cités que dans les quartiers riches qui dorment. Je vais patrouiller, chercher le délit, j’ai surpris un viol une fois… À Neuilly, c’est moins une délinquance de voie publique, donc plus difficile à interpeller en flagrant délit. »
Un silence, puis le policier ajoute avec franchise :
« Si on est de bonne foi, on doit reconnaître qu’un policier travaille en partie au faciès. »
« S’il y a deux véhicules dont l’un est conduit par un Blanc et l’autre par un Arabe, c’est inconscient, mais mon cerveau va plus faire le lien entre le délit et le conducteur arabe. Mais le Blanc qui fait le con avec sa caisse sera contrôlé aussi, on n’est pas une police idéologique, sinon je la fuirais. »
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Aujourd’hui, Olivier est en colère. Fin juin, le baqueux était présent aux côtés de ses collègues devant le Bataclan pour protester contre la suppression de la clé d’étranglement et plus généralement contre l’attitude de leur ministre. « C’est des calculs politiques, affirme-t-il. La police a été manipulée et dénigrée. »
Pour lui, le problème vient d’en haut : « L’immense majorité des policiers fait bien son travail, mais plus on monte dans la hiérarchie, plus l’intérêt individuel supplante l’intérêt collectif. La haute hiérarchie, c’est “ma gueule” avant l’intérêt commun. Je ne pensais pas avoir une si grosse désillusion. Je suis arrivé avec beaucoup d’entrain, d’idéaux et de convictions qui disparaissent petit à petit. »
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*Le prénom a été changé.
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