Pour l’antispécisme
La « question animale » est absolument essentielle au plein accomplissement de notre humanité.
dans l’hebdo N° 1613-1615 Acheter ce numéro
Qu’est-ce que l’antispécisme ? En quoi est-il désormais impérieux que la gauche anticapitaliste, antiraciste et antisexiste – la gauche, quoi –, pour être complètement elle-même, l’intègre pour de bon à ce qui la définit ?
Trois ouvrages récemment parus, également ravissants et (par chance) tout à fait complémentaires, apportent à ces questions, en même temps qu’à beaucoup d’autres, d’électrisantes réponses – et devraient puissamment contribuer à la prise de conscience, qui n’a que trop tardé, que la « question animale » est absolument essentielle au plein accomplissement de notre humanité.
Dans Solidarité animale (1), Axelle Playoust-Braure et Yves Bonnardel – militant libertaire qui fut en France l’un des pionniers de cette cause – expliquent, avec beaucoup de pédagogie, que « celles et ceux qui s’opposent au spécisme se battent pour une égalité[…]de considération » s’appliquant de la même manière aux humains et aux « autres animaux », qui possèdent comme nous « la faculté de sentir, de penser, d’avoir une vie mentale subjective »– et donc, bien sûr, de souffrir. Il ne s’agit évidemment pas, contrairement à ce que prétendent les sarcastiques adversaires de l’antispécisme, d’« accorder le droit de vote aux poules », mais bien de « défendre »enfin « les intérêts réels » des bêtes, et « notamment » leurs « droits fondamentaux à ne pas être tués, torturés ou privés de liberté ». De prendre enfin conscience, en somme, que « la plupart de nos comportements, parmi les plus banals, violent ces principes les plus fondamentaux de la justice et de la morale ».
Dans Animal radical (2), Jérôme Segal retrace pour sa part une très éclairante et enrichissante « histoire et sociologie » de l’antispécisme : les pages consacrées à l’apport du mouvement anarcho-punk « dans l’essor du véganisme », par exemple (qui donnent aussi envie de réécouter quelques vieux classiques hardcore), comme celles qui dénoncent le « veganwashing »à l’œuvre en Israël, où les autorités ont adopté une « stratégie visant à présenter le pays comme un paradis des véganes » pour mieux « couvrir ce qui se passe en Cisjordanie », sont tout à fait passionnantes.
Dans Réparons le monde (3), enfin, la philosophe Corine Pelluchon, elle aussi investie de très longue date dans la défense des causes animale et environnementale – que relie, observe-t-elle, « une convergence profonde » –, propose une stimulante réflexion sur la nécessité de structurer « une philosophie politique prenant en compte les intérêts des humains et des animaux dans le contexte d’une démocratie pluraliste » qui s’attacherait à « compenser le présentisme et le chauvinisme de la démocratie représentative, ce qui a du sens sur le plan national et international ».
Il y a urgence, car, comme le demandent Axelle Playoust-Braure et Yves Bonnardel, « si nous ne prêtons pas notre voix au nombre incalculable » des autres animaux, « qui tiennent désespérément à jouir de leur vie », qui les entendra ? « Et si nous n’agissons pas aujourd’hui, quand le ferons-nous ? »
P.-S. : Très bon été à tou·tes, à dans un mois !
(1) La Découverte, 192 pages, 18 euros.
(2) Lux, 216 pages, 16 euros. Je précise, avant que tu ne m’imputes des conflits d’intérêts de niveau 9 sur l’échelle de (Richard) Ferrand, que mon prochain livre paraîtra (fin août) chez ce même éditeur, et que plusieurs de mes bouquins ont déjà été publiés à La Découverte.
(3) Rivages poche, 288 pages, 8,80 euros.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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