Santé et hôpital : l’implosion qui vient
Les personnels hospitaliers sont plus remontés que jamais alors que Jean Castex a clamé vouloir clore le Ségur de la Santé dès la semaine du 6 juillet.
dans l’hebdo N° 1611 Acheter ce numéro
Un grand foutage de gueule » ! C’est par ces mots que la plupart des acteurs qualifient le Ségur de la santé. « Sur les 7 milliards d’euros annoncés pour le personnel, 2 vont aller arroser le privé, gronde Patrick Bourdillon, négociateur au Ségur pour la CGT santé. En fin de compte, les paramédicaux vont toucher entre 30 et 40 euros de plus : la revalorisation “conséquente”, c’est de l’enfumage ! » Résultat : personne n’a voulu signer l’accord proposé par Olivier Véran, pas même la CFDT. Le Ségur, qui devait se terminer fin juin, a donc été prolongé de deux semaines. Mais le remaniement ministériel a de nouveau perturbé les discussions.
« Lors de la dernière réunion, le 2 juillet, Olivier Véran nous a dit qu’il allait chercher des fonds en se plaignant que Bercy ne voulait pas lui donner les crédits, se souvient Patrick Bourdillon. Le lendemain, on apprend qu’il y a un remaniement. Ce ministère est une coquille vide. » Jusqu’à la formation du nouveau gouvernement, lundi soir, c’est donc statu quo, alors même que Jean Castex, le Premier ministre fraîchement nommé, a clamé vouloir clore le Ségur dès la semaine du 6 juillet. « Alors là, on aimerait voir ce qu’il va en sortir ! » s’étouffe le cégétiste.
Si le calendrier paraît ahurissant, le profil du nouveau chef du gouvernement ne rassure pas non plus sur l’avenir de l’hôpital. Ardent promoteur de la T2A lors de son passage au ministère de la Santé en tant que directeur de l’hospitalisation et de l’offre de soins entre 2005 et 2006, Jean Castex est l’un des artisans du « plan hôpital 2007 », qui transforma l’hôpital en entreprise… Soit exactement la ligne que les hospitaliers voulaient voir modifier. Les perspectives d’un changement n’ont jamais paru aussi lointaines.
« Il va y avoir une augmentation de salaire insuffisante, et pour tout le reste aucun changement de logique, prédit André Grimaldi, médecin à l’AP-HP et membre du Collectif inter-hôpitaux. Le plus honnête dans cette affaire a été Édouard Philippe quand il a dit “on garde le cap et on accélère”. » Pour le docteur Grimaldi, la privatisation progressive de l’hôpital nous attend. « Ce n’est pas anodin que, dans le texte d’ouverture du Ségur, il ne soit mentionné nulle part “service public hospitalier”. On nous vend l’idée que la séparation public-privé, c’est le vieux monde. Tout est organisé pour forcer l’hôpital à se comporter comme une clinique. Paradoxalement, la crise du Covid va accélérer les choses. » Et Patrick Bourdillon de s’inquiéter : « Un tel écœurement n’a jamais été atteint. La rentrée va être explosive, et pas seulement d’un point de vue social : l’hôpital va se vider. Les gens vont partir en masse. » Il ne restera plus qu’à vendre aux enchères le service de santé français…