Retour à la légèreté

Pendant tout l’été, le Sirque de Nexon a organisé dans des villages de Nouvelle-Aquitaine des soirées en petit format imaginées pour faire face au contexte du Covid. L’aventure se poursuit à la rentrée.

Anaïs Heluin  • 26 août 2020 abonné·es
Retour à la légèreté
© Clara Pedrol

Pour les 2 500 habitants de Nexon, en Haute-Vienne, l’été va traditionnellement de pair avec le cirque. Depuis l’arrivée en 1986 d’Annie Fratellini, qui y a organisé pendant dix ans des stages internationaux, la commune, située près de Limoges, n’a pas connu une seule saison estivale sans chapiteaux ni artistes de la piste. En 1997, une programmation s’ajoute à la formation. Marc Délhiat et Guiloui Karl créent un pôle régional cirque, qui devient en 2011 un pôle national cirque (PNC).

À la tête de la structure depuis 2014, le jongleur et metteur en scène Martin Palisse a réagi dès le début du confinement pour ne pas déroger à ces belles habitudes circassiennes. En décidant très vite l’annulation du festival La Route du Sirque, qui aurait dû accueillir du 19 au 22 août une soixantaine de représentations sous plusieurs chapiteaux, en salle et en extérieur, il a pu mettre en place un nouveau type de rendez-vous compatible avec les mesures sanitaires en vigueur, les Multi-Pistes, qui se poursuivent cet automne sous un autre nom : « Petites scènes de Sirque en balade », une tournée à l’échelle du département de la Haute-Vienne.

Tout en assumant pleinement les conséquences financières de l’annulation de son festival, Martin Palisse a voulu y voir l’occasion de repenser le fonctionnement du Sirque. En invitant des formes légères chaque week-end à Nexon et le reste du temps dans de nombreux autres villages où elle n’avait jamais travaillé, l’équipe du PNC a apprécié d’approfondir son rapport au territoire. «Dans notre désir de reconnaissance institutionnelle, nous, artistes et directeurs de lieux dédiés aux arts du cirque, avons eu tendance à nous éloigner des origines populaires de nos disciplines. En respectant des cahiers des charges de plus en plus contraignants, nos modes de production et de diffusion nous ont éloignés des places de village», regrette le directeur. C’est donc sur ces places, parfois dans des salles des fêtes et autres équipements destinés ou non au spectacle vivant, que le Sirque installe depuis l’été ses pistes provisoires. Avec des étapes de création et des formes créées pour l’occasion, à découvrir gratuitement.

Nous avons eu la chance d’en voir plusieurs au cours d’un été par ailleurs assez pauvre en propositions circassiennes. Passages de l’artiste brésilienne Alice Rende, par exemple, dont la présence à Nexon au moment du confinement est le fruit des hasards… de l’amour. Venue en mars passer quelques jours avec son compagnon, qui y travaillait, elle y est encore à ce jour. Elle y sera aussi cet automne pour jouer dans plusieurs villes et bourgs son solo en cours d’écriture sur un sujet d’actualité : l’enfermement.

Dans une colonne sonorisée en plexiglas, Alice Rende déploie un langage fait de grimaces et de contorsions. Avant de souvent laisser la place à Martin Palisse avec son Voyage optique, -performance jonglée conçue pour l’occasion avec son complice de longue date, Cosmic Neman, compositeur et musicien -d’électro-jazz. Sur les places des villages, le Sirque poursuit son exploration d’écritures très diverses, toujours exigeantes.

Le soutien aux sept artistes associés au PNC est en cette période une priorité pour Martin Palisse. Il en a accueilli plusieurs en résidence dès le déconfinement. Certains ont joué cet été avec Alice Rende et lui à Nexon et aux alentours, et continuent de le faire à la rentrée. Stefan Kinsman affinera son Searching for John à Saint-Julien-le-Petit, où il est l’invité du groupement agricole d’exploitation en commun « Champs Libres » avec Alice Rende et Julia Christ, qui y présenteront Odile ou Odette. Un subtil duo de main à main né du confinement, sur la piste mise à disposition par le Sirque pour les artistes assignés à résidence nexonnaise.

Installé de longue date à Nexon, Jani Nuutinen offre lui aussi un extrait de sa pièce en gestation, I O,aux habitants de ce village. Avec une simple fourche en métal et un long bâton en bois, ce forgeron des temps actuels nous emmène loin. Sur les nouveaux chemins du Sirque, que Martin Palisse et son équipe comptent bien continuer de tracer au plus près du territoire.

Petites scènes de Sirque en balade,du 1er octobre au 4 décembre en Nouvelle-Aquitaine. https://lesirque.com

Culture
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