Après l’automne vient le printemps
Rien ne nous sera donc épargné – mais on ne va pas se laisser abattre.
dans l’hebdo N° 1621 Acheter ce numéro
C’est tendu, hein ? Je veux dire : nous avons, dans la dernière décennie, déjà enduré, parmi beaucoup d’autres épreuves, les quinquennats de M. Sarkozy, qui était alors flanqué de M. Hortefeux – lequel a du moins eu depuis la délicatesse de s’ôter du panorama –, puis de M. Hollande, qui s’était quant à lui, et dans le même esprit, accoutré de M. Valls. De sorte que nous avons un peu l’habitude, sous nos airs débonnaires, des automnes difficiles.
Mais tout de même, jamais encore nous n’avions vécu de rentrée si uniment sordide, si désespérément glauque, où nos regards ne trouvent nulle part où se poser sans tomber sur des nouvelles qui donnent envie d’aller se rencogner aux îles Leygues en attendant que ça passe – à ceci près, naturellement, que, parti comme c’est parti, ça ne risque précisément pas de passer de sitôt, et que les Leygues, après la sixième année, quand tu as fini d’arpenter avant la fin de leur bref été (d’un jour et demi) leurs huit centimètres carrés d’herbe rase en essayant de ne pas mettre le pied dans un gros tas de guano (rapport au fait que le plus proche marchand de détachant pour moon boots se trouve à neuf mille milles nautiques), perdent, dit-on, beaucoup de leur charme.
Je vais pas te refaire tout le topo (1) : tu as noté comme moi – et parmi tant d’autres motifs de consternance (2) – que la température ambiante est passée l’autre semaine, et en même pas trois heures, de caniculaire à moins soixante-cinq degrés. Que le dérèglement climatique est d’ores et déjà si avancé que, quoi qu’y fassent nos gouvernant·es (qui n’y feront évidemment rien), ces aberrations météorologiques seront désormais notre norme. Que l’épidémie de Covid-19 prépare sa campagne d’hiver et que le chef de l’État français, lorsqu’il n’est pas occupé à dispenser des cours de gestion de crise aux Libanais·es ou à distribuer au patronat les fonds publics qui font si cruellement défaut dans les hôpitaux et les universités (liste non exhaustive), fait quotidiennement la démonstration qu’il n’a aucunement l’intention de nous en protéger. Que, de l’autre côté de l’Atlantique, son homologue états-unien ne fait même plus l’effort d’essayer de nous faire accroire qu’il ne serait pas un fasciste fermement décidé à rester cramponné à sa présidence jusqu’en 2049, cependant que, sur cette rive-ci du même océan, « nos » chaînes de télévision – tout comme d’ailleurs de gros bouts de notre presse écrite – sont devenues des élevages industriels d’agitateurs d’extrême droite.
Rien ne nous sera donc épargné – mais on ne (3) va pas se laisser abattre : on va plutôt se répéter, avec un peu plus d’obstination encore que nous n’en mettons d’habitude à garder intacts notre colère et notre détermination et notre enthousiasme, qu’après l’automne viendra le printemps.
(1) Je me suis acheté un nouveau traitement de texte et je voudrais demander ici aux gens de chez Microsoft s’ils peuvent lui demander d’arrêter de souligner en bleu les phrases dans lesquelles j’omets volontairement une négation.
(2) Ne cherche pas, ce n’est pas encore dans le dico.
(3) Je dis comme ça pour faire plaisir à mon nouveau traitement de texte.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.