Magnetic Fields : Vite fait bien fait

Récidive des Bostoniens de Magnetic Fields. Avec la même verve singulière et réjouissante.

Jacques Vincent  • 2 septembre 2020 abonné·es
Magnetic Fields : Vite fait bien fait
© Marcelo Krasilcic

Derrière le nom de The Magnetic Fields – « Les Champs magnétiques », nom emprunté au livre d’André Breton et de Philippe Soupault – se cache la figure excentrique d’un certain Stephin Merritt, âme ou grand instigateur (éventuellement avec des majuscules) du groupe, comme on voudra.

Les Magnetic Fields, originaires de Boston, existent depuis 1991 et sortent leur huitième album, Quickies. Un disque élaboré comme ses prédécesseurs sur un concept de départ qui explique son titre (quickie = « express, en vitesse ») : aucune chanson ne devait dépasser deux minutes quinze. Ce qui permet d’en aligner pas moins de vingt-huit pour une durée plus que raisonnable, d’autant que nombre d’entre elles n’atteignent même pas les deux minutes. Ce genre de concept est typique d’un groupe qui a déjà réalisé un triple album intitulé 69 Love Songs et un autre, 50 Song Memoir, sorti l’année des 50 ans de Stephin Merritt et dans lequel chaque chanson était censée être consacrée à une année de sa vie.

Stephin Merritt est un auteur prolifique. Du moins en temps normal. Pas du tout en période de confinement, comme il l’explique dans une interview récente au Guardian. Le problème auquel il a été confronté au printemps, en plus d’avoir lui-même contracté le virus, a été la fermeture des bars. Car notre homme ne peut écrire que dans un bar. Et pas de n’importe quelle sorte : « Un bar rempli au tiers de vieux homosexuels échangeant des potins sur un fond de musique disco. » C’est précis.

Heureusement, Quickies avait été enregistré avant cette sinistre période. Malgré les références d’origine, on se situe moins du côté d’une inspiration surréaliste que d’une poésie du quotidien, poésie naïve comme on le dit en peinture, qui rappelle un autre Bostonien remarquable, Jonathan Richman, ou le poète Ron Padgett, dont les poèmes constituent le fil rouge du film Paterson, de Jim Jarmush. Pour une partie des chansons en tout cas, comme « Favorite Bar » – thème décidément cher au cœur de Merritt –, « When She Plays The Toy Piano » ou « She Says Hello ».

Pour le reste, qui constitue une part importante de l’album, c’est une autre affaire qui prend un tour nettement plus cruel, sarcastique, voire quelque peu dérangeant par moments. La simple évocation des titres est assez édifiante : « The Biggest Tits in History » (Les plus gros tétons de l’histoire), « I Wish I Was A Prostitute Again » (Je voudrais redevenir une prostituée) ou « The Day The PoliticianDied »(Le jour où les politiciens sont morts).

Le refrain de ce dernier titre (« Ils furent des milliards à rire et personne ne pleura/le jour où les politiciens sont morts ») est, à contre-courant du propos (pourtant atténué par rapport à ce que pense réellement son auteur, selon ses dires), un enchantement absolu. Il illustre parfaitement la richesse musicale du groupe, ses formidables trouvailles mélodiques et vocales, et constitue même un test parfait pour une première approche de sa musique.

Une musique tout en finesse, déployée à travers un nombre considérable d’instruments, dont certains sont faits maison, comme un violoncelle construit à partir d’un pack de vin, ou un violon et une guitare bricolés à partir de boîtes de cigares, au milieu des guitares, piano, mellotron et accordéon. Pas de basse ni de batterie, seulement une boîte à rythmes. Non programmée, est-il précisé. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le résultat est irrésistible.

Quickies, The Magnetic Fields, WEA.

Musique
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