Qui sont les anti-5G ?

Santé, environnement, libertés, choix de société : les motivations sont diverses pour les opposants à cette nouvelle technologie de téléphonie. Reportage à Lyon.

Tania Kaddour-Sekiou  • 23 septembre 2020 abonné·es
Qui sont les anti-5G ?
Lors la manifestation du 19 septembre, à Lyon.
© Mag’images/ Résistance verte

Il est 10 h 30, ce 19 septembre, lorsque le mouvement se rassemble devant le Centre international de la recherche contre le cancer (Circ), dans le VIIIe arrondissement de Lyon. Un lieu symbolique puisque l’établissement, qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avait, en 2011, établi un possible lien entre les ondes électromagnétiques et le risque de cancers.

Souvent stigmatisés comme adeptes des théories du complot, destructeurs d’antennes ou groupuscules d’extrême gauche, les anti-5G ont pourtant des profils variés. Militants, étudiants, retraités ou simples curieux venus s’informer sur les effets de cette technologie, la fronde a pris plusieurs formes. « Beaucoup n’ont jamais milité, certains sont plus sensibles à la question des libertés, d’autres à celle de la santé ou encore aux enjeux environnementaux », témoigne Sandrine Larizza, militante de Stop Linky. Tous s’accordent pourtant sur la nécessité d’un moratoire sur le déploiement de la 5G. « Nous avons le sentiment de ne pas être -écoutés », déplore Julia, engagée chez les Décâblés. Elle pointe la demande de moratoire formulée par les 150 participants, tirés au sort, de la Convention citoyenne pour le climat, qu’Emmanuel Macron a balayée d’un revers de main.

Pour les anti-5G, la recherche de la compétitivité à tout prix se fait au détriment de la sobriété énergétique prônée par nombre de citoyens. Beaucoup, parmi eux, n’ont pas de téléphone portable. « Je n’en ai pas besoin », témoigne Josette. « On a le droit de ne pas en vouloir ! » lance une autre manifestante.

Déambulant au son d’une fanfare dans le centre-ville de Lyon, le rassemblement se veut festif. « À la technique énergivore, la rue répond résistance », s’exclame la foule. Au-delà de la 5G, c’est surtout la société du tout-numérique que dénoncent les organisations, et notamment l’avènement de la « smart city », la ville ultra-connectée. Des -expérimentations sont en cours depuis 2019 dans la gare de Lyon-Part-Dieu, où une antenne utilisant des débits dix fois supérieurs à ceux de la 4G est déjà déployée. Les militants réclament une prise de conscience collective. « Quel modèle de société veut-on ? » interroge Patrick Goyaud, membre de l’association Robin des toits.

Les anti-5G dénoncent également le manque d’études sanitaires et environnementales sur les effets de cette technologie. Les enchères pour l’attribution des fréquences sont prévues le 29 septembre, alors que le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) est prévu pour 2021. « Quand on ne sait pas, on ne déploie pas, c’est du bon sens politique. Si j’ai un doute sur un aliment, je ne vais pas le donner à mon enfant », s’insurge Sandrine Larizza.

Dans cette course effrénée du gouvernement pour le déploiement de la 5G, les personnes électrosensibles sont les grandes oubliées. Elles seraient plus de 3 millions en France, selon les chiffres de l’Anses. « Sans compter celles qui vont le devenir », assure Patrick Goyaud. Ces « malades des ondes » présentent notamment des troubles du sommeil et des maux de tête, mais leur situation demeure absente des préoccupations gouvernementales. Pour Sophia Pellerin, présidente de l’association Priartem Électrosensibles de France, « la 5G est une nouvelle couche d’exposition. N’aurait-on pas plutôt intérêt à renforcer la fibre pour réduire la fracture numérique ? » interroge-t-elle.

En début de soirée, l’heure est au débat. Le mouvement s’est donné rendez-vous au Palais de la Mutualité pour des conférences autour de la 5G. Pour entrer, extinction des téléphones obligatoire. La santé, l’environnement, les libertés personnelles ou encore la surveillance : beaucoup de thèmes seront abordés.

Les collectifs Priartem et Agir pour l’environnement ont lancé une pétition contre le déploiement de la 5G qui a déjà recueilli plus de 120 000 signatures. « Une autre façon d’agir pour la population, c’est aussi d’arrêter la consommation d’objets connectés et de ne pas acheter de futurs smartphones 5G », conclut Patrick Goyaud.

Écologie
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

Une proposition de loi surfe sur la colère agricole pour attaquer violemment l’environnement
Environnement 19 novembre 2024 abonné·es

Une proposition de loi surfe sur la colère agricole pour attaquer violemment l’environnement

Deux sénateurs de droite ont déposé une proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur ». Mégabassines, pesticides, etc. : elle s’attaque frontalement aux normes environnementales, pour le plus grand bonheur de la FNSEA.
Par Pierre Jequier-Zalc
« L’élection de Trump tombe à un très mauvais moment pour le climat »
Entretien 13 novembre 2024 abonné·es

« L’élection de Trump tombe à un très mauvais moment pour le climat »

Climatosceptique de longue date, Donald Trump ne fera pas de l’écologie sa priorité. Son obsession est claire : la productivité énergétique américaine basée sur les énergies fossiles.
Par Vanina Delmas
« Des événements comme la COP 29 n’apportent pas de transformations politiques profondes »
Entretien 8 novembre 2024 abonné·es

« Des événements comme la COP 29 n’apportent pas de transformations politiques profondes »

Le collectif de chercheurs Scientifiques en rébellion, qui se mobilise contre l’inaction écologique, sort un livre ce 8 novembre. Entretien avec un de leur membre, l’écologue Wolfgang Cramer, à l’approche de la COP 29 à Bakou.
Par Thomas Lefèvre
Clément Sénéchal : « Les gilets jaunes ont été le meilleur mouvement écolo de l’histoire récente »
Entretien 6 novembre 2024 libéré

Clément Sénéchal : « Les gilets jaunes ont été le meilleur mouvement écolo de l’histoire récente »

L’ancien chargé de campagne chez Greenpeace décrypte comment la complicité des ONG environnementalistes avec le système capitaliste a entretenu une écologie de l’apparence, déconnectée des réalités sociales. Pour lui, seule une écologie révolutionnaire pourrait renverser ce système. 
Par Vanina Delmas