« Babylon » : Combat reggae
Remarquable film de 1980 centré sur la communauté jamaïcaine de Londres, Babylon sort enfin en France.
dans l’hebdo N° 1623 Acheter ce numéro
Tourné à Londres fin 1979, au début de l’ère Thatcher, Babylon suit les (més)aventures d’un petit groupe de jeunes gens appartenant à la communauté jamaïcaine de la capitale anglaise. Joint essentiel de leur amitié, le reggae scande leurs vies et, souvent accompagné d’une douce herbe enivrante, leur permet de supporter un quotidien difficile, sans horizon, dans lequel le racisme tristement ordinaire peut surgir – et meurtrir – à tout moment.
Se détache la figure de Blue, jeune homme aux longues dreadlocks, joué par Brinsley Forde, chanteur et guitariste d’Aswad (groupe phare du reggae anglais). La vie de Blue vire lentement au noir : son patron le licencie sur un coup de sang, son beau-père le rejette, sa petite amie veut le quitter, la police le persécute… Seule la musique lui apporte encore consolation et espoir. Officiant au micro dans un sound-system reggae, il se prépare à un duel au sommet avec un autre sound-system mené par l’imposant Jah Shaka (dans son propre rôle).
Auteur auparavant de deux documentaires, dont Dread Beat an’ Blood (1979), sur Linton Kwesi Johnson, Franco Rosso – cinéaste d’origine italienne (mort en 2016) ayant grandi et vécu en Angleterre – faisait ses débuts de réalisateur de fiction avec Babylon. À partir d’un scénario nourri d’expériences réelles, sans manichéisme, il a développé un film ondulant entre chronique sociale et (tragi-)comédie de mœurs avec sensibilité et justesse. Certaines scènes semblent saisies sur le vif (par exemple la cérémonie de fiançailles), et l’atmosphère des rues londoniennes, en particulier de nuit, imprègne la rétine en profondeur. Rehaussé par la superbe photo de Chris Menges, Babylon bénéficie en outre d’une BO impeccable, orchestrée avant tout par Dennis Bovell – alias Blackbeard.
Babylon, Franco Rosso, 1 h 35.