L’évaluation des politiques publiques mise à mal
La loi Asap signe la fin de plusieurs commissions d’évaluation des actions publiques, dont celles relative au suivi de la détention provisoire et l’observatoire de la récidive.
C’était pourtant l’un des leitmotivs de la campagne d’Emmanuel Macron : l’évaluation des politiques publiques. Aujourd’hui, les premiers articles de la loi Asap font table rase d’un bon nombre de commissions d’évaluation des actions publiques. Une dizaine sont ainsi supprimées : accessibilité, gestion de l’espace, évaluation des politiques d’Outre-mer, suivi des conséquences des essais nucléaires. Terminé aussi la commission de suivi de la détention provisoire, pratique judiciaire toujours au cœur des débats sur la présomption d’innocence, fini également l’observatoire de la récidive. La raison de ces disparitions oscille entre plusieurs explications officielles : ce n’est plus utile, les commissions ne se réunissent plus, ou « leurs missions peuvent être directement exercées par le ministère ». Bonjour l’indépendance…
Sans compter que les administratifs « n’ont pas le temps : ils sont tous prisonniers de la commande politique, s’étouffe Christian Mouhanna, directeur de recherches au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP). Qui va aujourd’hui réfléchir à la politique pénale au ministère ? Personne. »
Composées de parlementaires, chercheurs et professionnels, ces commissions avaient la possibilité de se faire communiquer tout document utile et d’interroger les acteurs de terrains. Elles étaient chargées de réunir les données juridiques, statistiques et, pour celles concernant la justice, pénitentiaires, qu’elles rassemblaient dans des rapports réguliers.
Pour la détention provisoire, la commission permettait notamment d’évaluer les impacts des décisions politiques en matière de surpopulation carcérale. « C’est stupide d’avoir éliminé ces commissions, souffle Christian Mouhanna. Non seulement elles ne coûtent rien, mais en plus, en ce qui concerne la détention provisoire, celle-ci augmente régulièrement et les raisons principales sont liées aux problèmes de gestions de la justice. Tout ceci est une étape de plus vers l’élimination progressive de la réflexion politique. On est dans l’action-réaction : on détruit des instances de discussions et d’échanges. C’est une caricature de la politique publique. » Ne plus réfléchir, c’est une façon comme une autre de « simplifier » l’action publique.
>> Consulter tous les articles de notre dossier sur la loi Asap
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