Rendre à Macron ce qui est à lui seul
Nous n’allons rien « assumer » du tout de l’extraordinaire incurie de l’État et de son chef.
dans l’hebdo N° 1625 Acheter ce numéro
Reconnaissons-le : il a pu nous arriver, depuis son élection, et sauf son respect, de nous demander si le chef de l’État français ne nous prenait pas pour des imbéciles. Puis nous avons appris – bien obligé·es – à nous accommoder, tant bien que mal (1), de son caractère, disons, fantasque – et du rapport très (très, très) souple qu’il entretient avec la réalité.
Mais pourtant (2), et en dépit de cet effort de compréhension de ses particularités, il peut encore nous arriver de rester interloqué·es, voire même (3) un peu irrité·es, voire même (4) complètement ulcéré·es par l’extraordinaire effronterie d’Emmanuel Macron – et par cette si singulière manière qu’il a de se comporter parfois comme s’il ne savait absolument pas ce qu’est la honte.
Vendredi dernier – 23 octobre –, par exemple, il a twitté, tranquille comme Baptiste : « Aidez-nous à assumer que, oui, renoncer à un dîner ou un week-end entre amis ne ravit personne. Mais que c’est temporaire. Se restreindre maintenant, c’est pouvoir espérer se retrouver bientôt. À condition de tous jouer le jeu. »
Et bien sûr : c’est non.
Bien sûr, nous n’allons rien « assumer » du tout de l’extraordinaire incurie, depuis le début de la pandémie de Covid-19, de l’État et de son chef.
Nous allons plutôt, et par exemple, lui rappeler – puis lui demander d’assumer enfin, car jamais encore il n’est revenu sur cette si terrible exhortation – qu’au soir du 6 mars dernier il nous enjoignait, tout faraud, onze jours avant de nous confiner pour deux mois (5), de ne surtout pas renoncerà « nos habitudes de sortie » au fallacieux prétexte qu’un virus létal empoisonnait nos alentours.
Et que par conséquent, et pour user du même extravagant lexique dont il devait ensuite nourrir ses crâneries, il nous a, onze jours avant de la déclarer, livré·es à l’ennemi, assurément mortel, contre lequel il allait ensuite déclarer une « guerre ».
Puis enfin nous lui rappellerons qu’il n’a cessé, depuis, et pour mieux ménager les intérêts triés de ce qu’il appelle « l’économie », de différer les mesures qui auraient pu limiter les effets automnaux de l’épidémie, si prévisibles qu’ils étaient annoncés dès juillet dernier par le conseil scientifique, mais que « personne n’a pris au sérieux (6) ».
Et que c’est à lui, qui depuis 2017 (et pour la plus grande joie des journalistes « politiques ») se fait fort de gouverner seul, de supporter l’écrasante responsabilité de ces errements – sans oublier jamais que, par une piquante coïncidence, assumation (7) rime avec élection.
(1) Mais plutôt mal que bien depuis qu’il a déchaîné sur quiconque proteste contre ses boniments des répressions hallucinées.
(2) Oui : cette formulation est discrètement pléonastique. Mais comme je dis toujours : « My garage, my rules. »
(3) Même remarque.
(4)Same player, shoot again.
(5) Et cela du moins, qui venait si tard et si brutalement, était pertinent.
(6) Le Journal du dimanche, 25 octobre 2020.
(7) Qui se trouve dans quelques dictionnaires.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.