Démanteler les Gafa : un impératif
Une réaction salutaire se dessine face aux excès de ces mastodontes.
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Les Gafa – Google, Amazon, Facebook, Apple – dictent leur loi à des pans entiers de la société. En situation de monopole dans leurs secteurs d’activité respectifs – l’e-commerce, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux –, ces entreprises captent une grande partie de la richesse créée par le numérique en se comportant comme de véritables prédateurs. Elles ont des pratiques anticoncurrentielles et contournent les règles concernant le respect des données privées, ce qui porte atteinte à nos libertés. Elles prospèrent également grâce aux paradis fiscaux où elles délocalisent les profits de leurs activités mondiales.
Les Gafa sont les grands bénéficiaires de la pandémie du Covid-19, qui dope la demande pour leurs produits et services. Ces quatre mastodontes ont généré 38 milliards de dollars de profits entre juillet et septembre 2020. Amazon s’est littéralement gavé en multipliant par trois ses profits en un an.
Les autorités publiques se sont laissé prendre de vitesse par les Gafa, dont le poids économique et politique est devenu exorbitant. Les autorités états-uniennes de la concurrence ont ainsi autorisé Facebook à acquérir Instagram et WhatsApp, ce qui a offert à Mark Zuckerberg un quasi-monopole sur les réseaux sociaux. De son côté, la Commission européenne, qui se présente comme le défenseur de la « concurrence libre et non faussée », a laissé ces géants du numérique développer leur activité sur l’espace européen.
Une réaction salutaire se dessine face aux excès des géants du numérique. « Break them up ! », « Démantelons-les » : le mot d’ordre se répand. Les deux tiers des Américains y sont favorables. En octobre 2020, les élus démocrates de la Chambre des représentants des États-Unis ont signé un rapport demandant un renforcement de la régulation de l’activité des Gafa, proposant leur démantèlement.
Les autorités publiques, de part et d’autre de l’Atlantique, auront-elles la volonté politique d’aller aussi loin que leurs prédécesseures qui ont utilisé les lois antitrust pour démanteler des monopoles tels que Standard Oil en 1911 et AT&T en 1982 ? Sans oublier la séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires opérée par Roosevelt en 1933 avec le Glass-Steagall Act, et en France par la loi bancaire du 2 décembre 1945. Cette séparation des banques, qui revient à un démantèlement des conglomérats bancaires, a été remise en cause par les gouvernements néolibéraux…
Une directive européenne sur les services digitaux est en préparation, qui contiendrait des dispositions telles que l’obligation imposée aux plateformes numériques de partager des données avec les entreprises concurrentes et l’interdiction de la préinstallation de leurs applications sur les smartphones. Mais il n’est pas question d’aller jusqu’à leur démantèlement. Les géants du numérique états-uniens, et demain chinois (Baidu, Alibaba, Huawei…), ont encore de beaux jours devant eux… à moins que les citoyen·nes réussissent à faire appliquer le mot d’ordre : « Démantelons-les » !
Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.