Dominique A : Vers les lueurs

Dominique A publie Vie étrange, lumineux recueil de chansons simples et directes, enregistrées durant les premiers mois de la crise sanitaire.

Jérôme Provençal  • 4 novembre 2020 abonné·es
Dominique A : Vers les lueurs
© Laetitia Bégou

Auteur-compositeur-interprète aussi talentueux qu’attachant, Dominique A – dont les deux très beaux derniers albums en date (Toute latitude et La Fragilité) sont parus en 2018, à quelques mois d’intervalle – effectue en cet automne 2020 un retour non programmé avec Vie étrange, disque intimement lié à la pandémie de Covid-19. Tout a démarré durant la seconde quinzaine de mars, conséquence du premier confinement général.

« Ça faisait à peu près un an que ma tournée avait pris fin, raconte Dominique A. J’avais commencé à travailler sur mon prochain album – prévu a priori pour 2022 – mais je traversais une phase de blocage et je sentais poindre un certain ennui. Dès le début du confinement, j’ai ressenti un désir impérieux de renouer un lien avec le public. »

L’artiste enregistre alors et diffuse via Internet une reprise de « L’Éclaircie », chanson de Marc Seberg, groupe culte de la new wave française des années 1980, dont le chanteur Philippe Pascal (avant tout connu pour son premier groupe, Marquis de Sade) est mort en septembre 2019. Saluant ainsi l’un des héros musicaux de son adolescence, Dominique A lui rend par ailleurs hommage dans un livre touchant qui vient de paraître (1).

Devant l’accueil très favorable réservé à la reprise de « L’Éclaircie », il se décide à enregistrer d’autres chansons de manière tout aussi spontanée. « Dès que j’en avais le loisir, je m’enfermais dans ma chambre pour bricoler des chansons en improvisant des musiques et des paroles. »

Conçues avec un synthé, une boîte à rythmes et un chant murmurant, quatre chansons minimalistes et à fleur de cœur – évoquant nettement le Dominique A des débuts (période La Fossette) – vont ainsi prendre forme durant ce printemps confiné. Étonnamment légères malgré le contexte, elles vont s’envoler au-dehors en juillet via un EP, Le Silence ou tout comme, disponible uniquement en numérique. Y figure notamment « Vie étrange », intense ritournelle de deuil traversée de « mots bleus » et adressée à un autre aîné (encore plus) prestigieux, Christophe, mort le 16 avril dernier.

Dans un deuxième temps, qui correspond à la période du déconfinement (à partir de mi-mai), Dominique A réalise cinq autres chansons. Dotées d’un son plus étoffé et portées par un chant plus affirmé, troquant synthé contre guitare, elles traduisent une aération sensible et laissent encore davantage percer la lumière. Elles restent néanmoins empreintes de mélancolie, sentiment dominant d’une année 2020 qui s’apparente de plus en plus à un long tunnel sans fin, exception faite de la relative accalmie estivale.

De « L’Éclaircie » à « Sols d’automne », l’ensemble formant un cycle parfait, les dix chansons sont à présent réunies sur un disque intitulé Vie étrange, témoignage artistique sur le vif de l’expérience collective inédite que nous vivons. Ironie du sort : né du premier confinement, ce disque paraît au moment où la France, à la suite de l’aggravation spectaculaire de la situation sanitaire, doit subir un deuxième confinement jusqu’au 1er décembre au moins… Loin de céder à l’abattement, le chanteur aborde ce reconfinement avec des sentiments contrastés.

« Au sein du milieu musical, nous sommes tous dans la même galère. Actuellement, j’essaie de voir au maximum le côté positif de la situation – aussi ténu soit-il. Si je regarde mes conditions de vie, je ne peux vraiment pas me plaindre. Je vais passer le deuxième confinement comme j’ai passé le premier, c’est-à-dire dans ma maison à Nantes. Du côté négatif, je suis un peu frustré que le livre et le disque sortent juste à ce moment-là. À cet égard, je déplore évidemment la fermeture de nouveau imposée des “commerces non essentiels”, incluant les libraires et les disquaires. Cette catégorisation me paraît indéfendable et exprime bien l’idée que l’on se fait de la culture en haut lieu… Nos protestations et la mobilisation indéniable de la ministre de la Culture n’y changent rien : ça ne rentre décidément pas dans le logiciel étatique. »

(1) _Fleurs plantées par Philippe__,_ Dominique Ané, éditions Mediapop.

Vie étrange (Cinq7/Wagram Music). dominiquea.com

Musique
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