Libraires et disquaires : fermés mais pas reclus
Le commerce du livre et du disque est entravé par le virus et par le gouvernement, mais il reste possible de se fournir auprès des indépendants.
dans l’hebdo N° 1626 Acheter ce numéro
Et pour le moment… c’est encore Amazon qui rigole ! Non considérés par le gouvernement comme tenant des commerces de produits de première nécessité, à l’instar de ce qui s’était passé en mars, les libraires et les disquaires indépendants ont senti leur colère redoubler en constatant, le 30 octobre, premier jour du reconfinement, que les Fnac restaient ouvertes au prétexte qu’elles vendent du matériel informatique.
Pour les libraires, le Syndicat de la librairie française (SLF) est immédiatement monté au front. « Cela signifie qu’en France, aujourd’hui, tout le monde peut vendre des livres sauf les libraires indépendants, c’est-à-dire ceux qui ont choisi de faire de cette activité leur métier. C’est une situation totalement paradoxale, aberrante et inacceptable que nous n’allons évidemment pas laisser passer », s’indignait sur le site de Livres Hebdo le délégué général du SLF, Guillaume Husson. La polémique n’a alors cessé d’enfler, soutenue par une pétition réclamant la réouverture les librairies. Les jurés du Goncourt, quant à eux, reportaient sine die la remise de leur prix prévue le 10 novembre, ne voulant pas priver les indépendants de sa valeur économique.
Résultat : une réunion était organisée précipitamment par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot – favorables à ce que les librairies restent ouvertes, contrairement au Premier ministre – rassemblant, outre le SLF, la Fnac, le Syndicat national de l’édition, le Syndicat des loisirs culturels et les enseignes de la grande distribution. D’où il est ressorti que le commerce des livres et, au-delà, de tous les « produits culturels » était interdit dans ces établissements à partir du lendemain. Autrement dit, le gouvernement a appliqué un principe d’égalité par le bas.
Pendant les quinze jours au terme desquels la situation sera réexaminée, les lecteurs ont heureusement d’autres choix que d’avoir recours à la société fondée par Jeff Bezos pour acheter ouvrages et bandes dessinées. En premier lieu, il existe des boutiques en ligne de librairies indépendantes organisées en réseaux. Sans pouvoir être exhaustif, en voici quelques-unes : lalibrairie.com, placedeslibraires.fr, leslibraires.fr, librairiesindependantes.com… Mieux encore, parce qu’il permet d’avoir son libraire au téléphone délivrant le cas échéant ses conseils : le système du « click and collect » (francisé en « clique et collecte »). La commande se fait sur le site du libraire ou par téléphone. Elle est à retirer sur place, dans le respect des gestes barrières.
Si les protestations émanant de la sphère du livre sont largement relayées depuis une semaine, on n’entend en revanche guère parler de la sphère – pourtant toute proche – du disque. Nettement moins nombreux sur le territoire français (on en compte aujourd’hui environ 350 contre 2 800 au début des années 1980…), les disquaires indépendants n’ont certes pas le même poids économique ni le même ancrage historique que les libraires. Pourtant, eux aussi jouent un rôle essentiel dans l’écosystème culturel, dont ils contribuent à préserver la diversité, et subissent la crise sanitaire actuelle de plein fouet.
Créé en 2017, le Groupement des disquaires indépendants nationaux (Gredin), qui compte actuellement 70 magasins membres, est le principal organisme professionnel œuvrant à la défense des intérêts du secteur. Le 9 juin, il a adressé une lettre ouverte à Franck Riester, alors ministre de la Culture, pour réclamer un meilleur accompagnement des disquaires face à la crise sanitaire. Initialement fixée à 1 500 euros, l’aide de secours a depuis été -réévaluée à 5 000 euros.
Le Gredin porte en outre le projet d’une plateforme Internet baptisée Les Disquaires indépendants, qui permettrait aux magasins participants de vendre leur stock sur le principe du « click and collect ». En attendant, il est d’ores et déjà possible d’acheter des disques sur Internet sans passer par les géants écrasants du commerce en ligne et autres pseudo-agitateurs culturels…
Plateforme communautaire internationale mettant en relation vendeurs et acheteurs du monde entier, Discogs constitue la première alternative. Par ailleurs, un nombre croissant de disquaires français – par exemple Le Silence de la rue, à Paris, Mélomane, à Nantes, et Vicious Circle, à Toulouse – pratiquent la vente à distance via leur site Internet et/ou les réseaux sociaux, les disques pouvant, suivant les cas, être livrés par La Poste ou retirés sur place.