Mauvaise pente
Une hiérarchie qui promet à la police, même implicitement, de la couvrir en toutes circonstances engage sa responsabilité dans les « bavures » à venir. C’est pourtant le message délivré par Gérald Darmanin.
dans l’hebdo N° 1629 Acheter ce numéro
Où donc est le pouvoir dans notre belle République ? La question peut sembler évidente alors que les Français continuent de recevoir de l’Élysée leur « feuille de route », comme on dit à l’armée, et que le président nous dit à combien de toises les uns des autres nous devons nous tenir dans la file d’attente, et si l’on sera autorisés ou non à voir la grand-mère ou les petits-enfants à Noël. Mais nous ne sommes pas les seuls au monde dans cette situation et, tant bien que mal, nous consentons à ces incursions dans notre intimité parce qu’il faut endiguer au plus vite la pandémie et limiter la catastrophe économique et sociale qui va s’ensuivre. Après la faillite des masques, c’est donc à la logistique de la vaccination que l’on va maintenant juger l’exécutif. Alors pourquoi cette interrogation sur les lieux de pouvoir ? Parce que le péril démocratique est peut-être ailleurs. Dans le grossier processus de droitisation auquel on assiste pour d’évidentes raisons de positionnement en vue de 2022, deux ministres, Gérald Darmanin et Jean-Michel Blanquer, font du zèle, sans que l’on sache si leurs initiatives participent de la stratégie collective ou d’un jeu personnel qui embarrasse même certains de leurs collègues. Ils étalent ces jours-ci leur inquiétante conception de la démocratie. Avec sa loi sur la « sécurité globale », le premier veut interdire aux journalistes ou à de simples témoins de filmer les violences policières.
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Ce n’est pas son collègue Jean-Michel Blanquer qui s’en plaindra. Cela fait longtemps que celui-ci a décrété que l’islamophobie était une invention de sociologues « islamo-gauchistes ». Au mois d’août déjà, il avait réuni dans son bureau un aréopage d’islamophobes bien connus, tous plus ou moins proches de Manuel Valls. À l’ordre du jour, la guerre aux « islamo-gauchistes ». Un peu plus tard, il a mobilisé des pétitionnaires, Élisabeth Badinter en tête, pour mener l’assaut contre la sociologie universitaire. A-t-on déjà vu un ministre s’en prendre ainsi, du moins en des temps de comparaison convenable, à une discipline universitaire ? Par son vocabulaire, Blanquer a d’ailleurs quelque chose de désuet : « ultra-gauche », « extrême gauche ». Les « bolcheviks » ne sont jamais très loin. Mais voilà que le ministre est aujourd’hui accusé d’avoir biberonné un syndicat lycéen créé de toutes pièces par le numéro deux du ministère, directeur général de l’enseignement scolaire. Une petite officine grassement subventionnée, comme le patronat en fabriquait autrefois dans l’industrie automobile. Celui-ci avait pour mission de soutenir sa réforme du baccalauréat, et d’éclipser les organisations syndicales traditionnelles. Fâcheux pour un ministre qui combat le détournement des jeunes consciences par les islamistes ! Mais certains de ces jeunes gens, pourtant bien sous tous rapports, ont mangé et bu les subventions ministérielles, avant que d’autres, conscients d’avoir été les dupes d’une manipulation politique, vendent la mèche à Mediapart et à Libé. Le syndicat jeune était un syndicat jaune. Il y a décidément une drôle d’ambiance dans ce gouvernement.
Lire > Blanquer se bunkérise
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