Songhoy Blues : Une énergie positive

Bien installé sur la scène mondiale, Songhoy Blues publie son troisième album, Optimisme. Électrique et engagé.

Jacques Vincent  • 11 novembre 2020 abonné·es
Songhoy Blues : Une énergie positive
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Dans le vocabulaire qui a fleuri depuis ce drôle de printemps confisqué par l’épidémie de Covid-19, dans un prolongement viral d’une novlangue à l’œuvre depuis un moment dans laquelle l’ineptie le dispute souvent à la laideur, le mot « optimisme » n’est pas celui qui est apparu le plus souvent.

Et ce n’est pas sans étonnement qu’on le voit s’afficher sur la pochette du troisième album de ce groupe de musiciens parmi lesquels trois sont originaires du Nord-Mali, qu’ils ont dû quitter pour se réfugier au sud à l’arrivée des jihadistes d’Ansar Dine. On ne peut pas dire non plus que la situation dans leur pays d’origine soit en phase avec une telle locution.

Un étonnement déjà déclenché par « Worry », le premier morceau de l’album à avoir été diffusé, surtout si on s’en tenait à une écoute un peu superficielle du refrain, « Ne vous en faites pas/Vous allez être heureux », qui en rappelait un autre beaucoup entendu dans les années 1980. Mais en y regardant de plus près on constate vite que cet optimisme n’a rien de béat, qu’il ne tombe pas du ciel mais est le fruit de la volonté et de la lutte. « Puisez votre espoir dans le combat/Enfoncez-vous dans les ténèbres/Vous trouverez votre lumière. » Finalement, « Worry » est symbolique de l’esprit qui a présidé à l’écriture des chansons de ce disque : le besoin de transmettre une énergie positive. Et de rappeler qu’elle est à trouver en chacun de nous.

On en trouvera d’autres exemples. « Barre », qui appelle au changement et demande à la jeunesse de se lever pour le faire advenir, ou « Bon bon »,qui s’adresse aux populations africaines en soulignant les potentialités offertes par leur continent dans le but de les détourner de la tentation d’un exil aussi dangereux qu’incertain. Il n’a pas échappé au groupe que son dilemme pouvait se résumer par cette question posée par les Clash en 1982 : « Should I Stay or Should I Go ? »Sa reprise particulièrement réussie figure sur une version augmentée de son deuxième album.

Les membres de Songhoy disent se considérer comme des journalistes et des porte-parole de leurs concitoyens. Une parole qui aujourd’hui porte loin. Le groupe a fait du chemin après avoir été découvert par l’ex-Blur Damon Albarn en 2013. S’est ensuivi un premier album, Music In Exile, enregistré à Bamako en 2015, puis une tournée mondiale et un deuxième album, Resistance, enregistré à Londres en 2017 et sur lequel la présence d’Iggy Pop sur un morceau en disait long sur le statut atteint par le groupe.

Optimisme arrive donc auréolé de cette lumière et d’une énergie libérée à grand volume dès le morceau d’ouverture, une sorte de hard boogie endiablé. S’il n’est pas représentatif du disque, le morceau annonce d’emblée que les guitares électriques vont mener la danse. De fait, elles sont partout, déversant d’inlassables chapelets de notes poussées par une rythmique vive et tranchante. On pensera forcément à d’autres musiciens originaires des mêmes contrées, les groupes touareg en particulier. Mais, au-delà, à tous ceux qui produisent une musique incarnée et urgente.

Optimisme, Songhoy Blues, Transgressive Records/Pias. Disponible sur Bandcamp.com

Musique
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