Un formidable moment de « décryptage du réel »
Le site gouvernemental consacré à l’éducation à l’information est un peu incomplet…
dans l’hebdo N° 1629 Acheter ce numéro
On le sait peu, mais le ministère de l’Éducation nationale s’est doté (à l’époque où M. Hollande présidait la République française) d’un site dédié à l’« éducation aux médias et à l’information (1) ».
Sa consultation permet notamment de découvrir que l’« objectif » d’un tel enseignement « est de permettre aux élèves », depuis l’école jusqu’au lycée, « d’exercer leur citoyenneté dans une société de l’information et de la communication », en leur offrant par exemple des « outils » qui les aideront à « déconstruire la désinformation » – de sorte qu’ils·elles deviendront, assure le ministère, « des “cybercitoyens” actifs, éclairés et responsables de demain ». L’intention, qui est donc de former ces « élèves au décryptage du réel et à la construction progressive d’un esprit éclairé, autonome et critique », est, reconnaissons-le, tout à fait admirable.
Par surcroît, le site du ministère, qui rappelle également (et à très bon droit) qu’« on ne peut étudier la presse et les médias sans aborder la liberté d’expression », est plutôt pas trop mal conçu.
Le seul minuscule reproche qu’on pourrait lui faire est que sa dernière « mise à jour » (semble-t-il très récente – puisqu’elle date, est-il précisé, de « novembre 2020 ») est un tout petit peu incomplète.
En effet, il ne mentionne nulle part qu’à en croire quelques-unes (parmi les plus remarquables) de ses récentes proférations le ministre de l’Éducation nationale de M. Macron – l’excellent M. Blanquer, qui règne donc sur l’institution qui gère ce site – tient les journalistes qui expriment sur certains sujets des opinions trop différentes des siennes pour des « complices intellectuels » du « terrorisme ».
De même, il ne précise aucunement que le ministre de l’Intérieur de M. Macron – l’excellent M. Darmanin – veut (notamment) empêcher la diffusion de certaines images touchant éventuellement à d’éventuelles violences policières et se laisse parfois aller à souhaiter que les journalistes couvrant des manifestations, et dont il n’a peut-être pas complètement réalisé qu’il n’était pas leur contremaître, « se rapprochent » désormais « de la préfecture ».
De même encore, il ne signale pas que le ministre de la Justice de M. Macron – l’excellent M. Dupond-Moretti – vient de prendre prétexte de la « lutte contre le terrorisme » pour dire son envie – ou peut-être est-ce son intention – de s’attaquer à la loi sur la liberté de la presse.
On espère donc que ce site gouvernemental consacré à l’éducation à l’information intégrera dans sa prochaine mise à jour l’évidence que ce gouvernement a, comme le constatait tout récemment – et fort justement – le journal Le Monde, « le plus grand mal à respecter la liberté » d’informer : cela fera, pour les élèves, un formidable moment de décryptage du réel.
(1) https://eduscol.education.fr/1531/education-aux-medias-et-l-information.
(2) « La qualité de l’information ne s’accroîtra jamais si l’on restreint la liberté, sa condition première », Jérôme Fenoglio, Le Monde, 20 novembre 2020.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
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