Gouverner sans chef, ils l’ont fait ! Et Si on s’alliait ? À Rennes, le community organizing

En sept ans d’existence, la structure a gagné la plupart de ses batailles.

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 16 décembre 2020 abonné·es
Gouverner sans chef, ils l’ont fait ! Et Si on s’alliait ? À Rennes, le community organizing
© Quentin Vernault / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

L es personnes les plus éloignées des décisions publiques doivent pouvoir s’organiser entre elles pour améliorer leurs conditions de vie, résume Claire. Notre rôle, en tant qu’organisateur·ices, est de faciliter cette organisation collective et de partager les outils dont nous disposons. » Si on s’alliait (Sosa), créée en 2014 à Rennes, s’inspire de la méthode Alinsky, du nom du sociologue américain Saul Alinsky, qui la théorisa au milieu du XXe siècle : elle vise à renforcer le pouvoir d’organisation des habitant·es, par exemple face à une injustice sociale ou à un manque d’accès aux droits (1).

« Au départ, nous sommes allé·es à la rencontre des gens. Dans la rue, à la sortie des écoles ou en porte-à-porte. Nous avons écouté et expliqué notre démarche. » Puis, face à la récurrence de certaines problématiques concernant le mal-logement au sein d’immeubles collectifs ou le mauvais accueil des personnes étrangères en préfecture, « nous leur avons proposé de se rencontrer et de décider de ce qu’ils voulaient faire ». Autrement dit, de décider, entre personnes concernées, si elles souhaitaient s’engager dans une action collective, et de quelle manière. En quelques mois, les premières « campagnes » sont lancées.

Les organisateur·ices (issu·es de réseaux militants ou du travail social) font en sorte que chacun·e puisse s’exprimer et participer aux prises de décision. Pour faciliter le processus et gagner en efficacité, Sosa privilégie les discussions thématiques par petits groupes, qui sont ensuite partagées avec le reste du groupe. Les décisions y sont prises par consensus plutôt que par le vote, et les temps d’échanges organisés par les habitant·es – qui peuvent participer en amont à des « formations » mises en place par l’association pour se familiariser avec des outils d’éducation populaire.

En sept ans d’existence, la structure a gagné la plupart de ses batailles : un restaurant universitaire a été sauvé, des travaux d’isolation ont été menés dans des centaines de logements grâce aux pressions exercées sur les bailleurs sociaux, une antenne de la Sécurité sociale est restée ouverte malgré les menaces de fermeture… Pour Claire, l’organisation collective de ces personnes, qui n’avaient pour la plupart jamais pris part à une lutte ni participé à des négociations avec des décideurs, a permis de faire évoluer certains rapports de force, de « redonner du pouvoir » et de lutter contre un sentiment de résignation. Mais, en dépit de ces victoires, l’association a dû faire face à une difficulté : les concerné·es quittaient Sosa une fois leurs campagnes terminées. Comment faire, alors, pour qu’ils et elles se mobilisent au-delà de leurs problématiques et continuent à militer ? « Nous avons pensé qu’il était peut-être limité de ne fonctionner que par “campagnes”, explique la jeune femme. L’objectif était que les gens s’engagent dans la durée, qu’ils puissent créer des liens de solidarité et qu’ils s’autonomisent. » Pour ces raisons, l’association s’installe au cœur de Villejean, un quartier populaire de Rennes, et décide de « se concentrer » sur ce territoire. Petit à petit, à la demande des habitant·es, des projets sur le long terme sont mis en place – comme des permanences d’accompagnement pour faire face à l’illectronisme_. « Le_ community organizing est notre démarche de base, conclut Claire. Mais nous ne sommes pas dogmatiques ou puristes, et on s’inspire aussi d’autres méthodes, comme le développement communautaire, qui va plus travailler l’auto-organisation. On s’adapte aux gens. L’objectif, c’est que nous ne soyons que des facilitateur·ices. »

(1) Voir www.sionsalliait.org

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