Lettre ouverte aux directeurs de cinémas et de salles de spectacle
Puisque le gouvernement ne les autorise pas à rouvrir, Samuel Churin, membre de la Coordination des intermittents et précaires, leur suggère de déposer de toute urgence un référé-liberté au Conseil d’État.
Presque tous les jours, on me demande de signer des pétitions demandant la réouverture des théâtres et des cinémas. Ces demandes sont tout à fait respectables mais elles reposent toujours sur le même mode d’action : la supplication. On demande, on supplie le gouvernement d’être à l’écoute de celles et ceux qui ne peuvent exercer leur activité, on met parfois en avant l’aspect essentiel, vital de la culture. On fait appel au bon sens, à la morale, à la psychologie, aux bons sentiments.
Le constat est pourtant implacable : lors de sa première intervention annonçant le nouveau confinement, Emmanuel Macron n’a pas dit un seul mot sur le secteur culturel pourtant massacré.
Dans un autre domaine, celui des droits sociaux, ce gouvernement fait même pire : il ne cesse d’affirmer que tout le monde sera couvert « quoi qu’il en coûte » alors qu’il laisse de côté des centaines de milliers d’intermittents de l’emploi (extras de l’hôtellerie, restauration, évènementiel, guides conférenciers…) qui basculent au RSA dans la plus grande pauvreté. A ce sujet, cela fait des mois que nous alertons, que nous revendiquons, que certains députés et sénateurs relayent les demandes, en vain. La seule victoire, nous l’avons obtenue au Conseil d’État, qui vient d’annuler une partie de la convention d’assurance chômage 2019.
Lire > Une immense victoire pour les précaires
Près de vingt ans d’engagement politique et cette dernière victoire me confortent dans l’affirmation suivante apparemment évidente mais pas souvent appliquée :
Arrêtons d’être défensifs et optons pour des stratégies offensives.
Le Gouvernement a annoncé que les cinémas et théâtres ne rouvriront pas le 15 décembre et il est certain que les pétitions n’inverseront pas sa décision.
La seule solution : attaquer le gouvernement au Conseil d’État avec un référé-liberté.
Le référé-liberté est une procédure qui permet de saisir en urgence le juge administratif lorsqu’on estime que l’administration (État, collectivités territoriales, établissements publics) porte atteinte à une liberté fondamentale (liberté d’expression, droit au respect de la vie privée et familiale, droit d’asile, etc.). Le juge des référés a des pouvoirs étendus : il peut suspendre une décision de l’administration ou lui ordonner de prendre des mesures particulières. Pour rappel, les professionnels de la restauration et des stations de sports d’hiver l’ont fait et leurs demandes n’ont pas été retenues. Seule l’Église a gagné et le gouvernement a dû revoir sa copie sur la limitation à 30 personnes lors des cérémonies religieuses : la jauge est calculée en fonction de la superficie, elle n’est plus limitée.
Pourquoi ce référé-liberté devrait être gagnant ?
Parce que les juges administratifs du Conseil d’État sont très attachés à la notion d’équité. Et les conditions d’accueil dans une église sont en tous points comparables à celles d’un cinéma ou d’une salle de spectacle. Chacun est assis, masqué, ne bouge pas et tous regardent dans la même direction.
Ironie de l’histoire, Jean Castex, lors de la présentation de sa loi sur le séparatisme, n’a cessé de vanter la laïcité à la française. Or, dans les faits, les églises sont ouvertes et les théâtres sont fermés!
Nous n’avons que trop tardé.
J’appelle donc les directeurs de cinémas, théâtres et autres lieux de spectacle à déposer de toute urgence un référé-liberté au Conseil d’État. Cette démarche est essentielle. Et si le juge nous donne tort, il devra justifier sa décision.
J’ai hâte de savoir en quoi le fait d’assister au récit de la naissance d’un homme nommé Jésus serait sans danger, alors que le récit d’un homme nommé Tartuffe serait source de contamination.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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