Toutes les vies de Jean-Luc Lagarce

Dans une belle biographie, Jean-Pierre Thibaudat traverse l’existence et l’œuvre de l’un des plus grands auteurs de théâtre du XXe siècle.

Anaïs Heluin  • 2 décembre 2020 abonné·es
Toutes les vies de Jean-Luc Lagarce
© DeepBlue98/Wikimedia Commons

Dans les trente-huit années qu’il a passées sur terre, Jean-Luc Lagarce a vécu plusieurs vies. Plusieurs histoires en parallèle, sans jamais en abandonner aucune : fidélité et persistance sont deux des grandes qualités de cet auteur de théâtre né en 1957 à Héricourt, en Haute-Saône. «Dans la région, rares sont les familles qui n’ont pas travaillé à “la Peuge”. Le père et la mère de Jean-Luc y ont travaillé leur vie durant», lit-on dans les premières pages de la biographie Lagarce, une vie de théâtre de Jean-Pierre Thibaudat. La famille ira ensuite s’installer à Valentigney, où Jean-Luc reviendra régulièrement, même lorsque le théâtre aura pris une place centrale dans son existence.

Nombre des autres vies de Lagarce seront liées à cet art : il y aura l’aventure de sa compagnie La Roulotte, qu’il fonde en 1978, sa relation avec Lucien et Micheline Attoun, de Théâtre ouvert, qui publient ses pièces, les grandes amitiés nées dans et autour du travail… Et il y aura les autres vies : les amours, pour la plupart masculines, ou encore la maladie.

Comme Bernard-Marie Koltès et bien des personnes de sa génération, Jean-Luc Lagarce est atteint du sida. Il l’apprend à l’âge de 31 ans, « le 23 juillet 1988 » – intitulé de l’un des quatorze chapitres du livre de Jean-Pierre Thibaudat. Lequel, tout en retraçant de manière chronologique le parcours de son héros – sa vie est digne d’un personnage littéraire, comme le suggère le titre du précédent livre du journaliste et écrivain, Le Roman de Jean-Luc Lagarce –, en déploie tous les chemins qui débouchent sur un même lieu : la scène, peuplée des acteurs qu’aimait tant Jean-Luc Lagarce.

Plus synthétique que le précédent ouvrage de Jean-Pierre Thibaudat, Lagarce, une vie de théâtre dévoile aussi une vie supplémentaire de l’auteur de Juste la fin du monde, œuvre au programme des classes de première générale et technologique du baccalauréat de français 2021. Grâce au Journal de Jean-Luc Lagarce, cité en exergue et très régulièrement tout au long du livre, l’homme se donne à voir dans ce qu’il a de plus secret. Même si là aussi il garde une part de la distance et de l’humour qui le caractérisent jusqu’au faîte de la douleur en s’adressant régulièrement à son lecteur et en évoquant les «chercheurs de l’université de l’Idaho» qui, imaginait-il, se pencheraient un jour sur son cas. Sur sa vie et son œuvre composée d’une vingtaine de pièces et de récits, étroitement et passionnément mêlées.

Lagarce, une vie de théâtre,Jean-Pierre Thibaudat, Les Solitaires intempestifs, 208 pages, 10 euros.

Littérature
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