En Écosse, la gratuité des protections menstruelles, c’est fait !
Le 24 novembre 2020, le Parlement écossais a voté une loi qui fait de la dignité menstruelle un droit et instaure donc la gratuité totale des protections périodiques. Historique.
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Grâce à une campagne sans relâche des associations féministes, dont les voix ont été portées par la députée travailliste Monica Lennon, les 32 autorités locales d’Écosse auront l’obligation de mettre gratuitement à disposition de toute personne qui en aurait besoin tampons, serviettes, protège-slips et autres produits périodiques, dans un délai de deux ans à compter de la loi votée le 24 novembre 2020. Elles recevront un financement pour cela.
L’Écosse n’en est pas à son coup d’essai. Depuis 2018, les protections menstruelles gratuites sont disponibles dans tous les établissements du secondaire et de l’enseignement supérieur, allant jusqu’aux produits réutilisables comme les coupes menstruelles, que l’on peut trouver dans les toilettes de l’université d’Edimbourg. Ensuite est venu le tour des bâtiments publics tels que les aéroports, les gares et des grandes administrations, dont le Parlement. Cette disposition est désormais protégée par la loi Lennon.
La problématique de précarité menstruelle ne concerne pas que quelques Écossaises. Une étude de l’organisation de jeunesse Young Scot montre ainsi qu’un quart des sondées scolarisées, de l’enseignement primaire au supérieur, ont déjà eu des difficultés d’accès à des produits menstruels. 10 % des jeunes Britanniques se sont trouvées dans la situation de ne pas avoir les moyens d’en acheter, et 19 % ont dû utiliser des produits inadaptés pour des raisons financières.
Outre ce sentiment de perte de dignité, le tabou des règles demeure très présent dans la société britannique, comme le montre une étude de 2018 : plus d’un tiers des femmes disent avoir été victimes de period shaming, le fait d’humilier une personne ou de se moquer d’elle parce qu’elle a ses règles, et plus de la moitié disent cacher leurs protections menstruelles parce qu’elles ont honte ou qu’elles ne veulent embarrasser personne. La loi de Monica Lennon veut également s’attaquer à ce tabou, et le gouvernement écossais a lancé une campagne de communication intitulée Let’s call periods, periods (Appelons les règles « les règles »), visant les jeunes de 16 à 24 ans.
Le mérite de cette loi est d’avoir dédramatisé les règles et permis de participer à un débat national sans rougir ou se sentir déplacé. Dans les écoles, par exemple, on a vu des changements de mentalité : de plus en plus de garçons proposent spontanément à leurs amies d’aller leur chercher ce dont elles ont besoin. « Au lieu de cacher leurs tampons dans leur manche, les jeunes d’Écosse ont plus de facilités pour parler des règles sur les réseaux sociaux ou à leur club de sport, leur école ou leur employeur pour que soient mis à leur disposition ces biens essentiels », s’est félicitée la députée Lennon.
Au départ, le gouvernement écossais, dirigé par les indépendantistes du Scottish National Party (SNP, au pouvoir depuis 2007), s’était opposé au fait de légiférer pour étendre la gratuité des protections menstruelles. Pour la ministre en charge des Communautés, Aileen Campbell, cela aurait pu se faire de manière naturelle, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir la loi.
De fait, de nombreux lieux accueillant du public, tels les salles de spectacles, les restaurants et les pubs, avaient emboîté le pas aux établissements scolaires et aux bâtiments publics. Idem dans les espaces sportifs comme les stades de football, sport qui est presque une religion en Écosse : trois supportrices du Celtic de Glasgow, Erin, Orlaith et Mikaela, âgées de 22 à 31 ans, ont par exemple fait pression sur leur club pour qu’il mette à disposition gratuitement des produits menstruels. Après tout, ont-elles argué, on trouverait anormal d’arriver dans des w.-c. sans papier-toilette, ni savon, ni de quoi se sécher les mains. Et avoir ses règles de manière imprévue le jour d’une importante réunion de travail ou d’un exposé à l’école peut facilement vous faire vivre l’une des pires journées de votre carrière ou de votre scolarité.
Quoi qu’il en soit, sous la pression des jeunes du SNP, en particulier, le gouvernement s’est résolu à soutenir la proposition de loi, qui a finalement été votée à l’unanimité par tous les partis représentés au Parlement écossais : SNP, travaillistes, verts, libéraux-démocrates et conservateurs.
Pour beaucoup, cela démontre l’utilité du Parlement écossais, né du processus de dévolution en 1997 (1), et souligne tout ce qui peut être accompli quand les élus travaillent ensemble, par-delà les lignes politiques, pour améliorer concrètement la vie des citoyens d’Écosse. La loi Lennon s’inscrit dans les lois majeures votées à l’unanimité depuis 1999, comme celle abaissant l’âge du droit de vote à 16 ans (2015), celle prévoyant la gratuité des soins à domicile pour les personnes âgées (2002) ou encore celle créant une sécurité sociale écossaise (2018).
Enfin, ce nouveau texte s’insère dans le récit national proposé par les indépendantistes, qui ont plus que jamais le vent en poupe après pas moins de 17 sondages d’affilée révélant qu’une majorité de l’opinion est favorable à l’autodétermination, et laissant entrevoir un raz-de-marée électoral en mai, qui permettrait au SNP d’obtenir un quatrième mandat avec majorité absolue. La Première ministre, Nicola Sturgeon, répète à l’envi que l’Écosse est un pays progressiste, ouvert, attaché à la justice sociale et à l’égalité des genres. Depuis qu’elle a pris les rênes du pays, en 2014, elle a multiplié les initiatives telles que la baby box, une boîte contenant tous les produits indispensables lorsqu’un enfant naît, à laquelle tous les parents ont le droit, ou la création d’un Conseil national des filles et des femmes pour formuler des propositions promouvant l’égalité.
(1) Le référendum de dévolution de l’Écosse, le 11 septembre 1997, créant le Parlement écossais, a été approuvé par 63,7 % de l’électorat.