IVG : La longue marche des féministes latinas
Malgré la victoire historique des Argentines, l’immense majorité des femmes d’Amérique latine n’ont droit qu’à un régime d’avortement toléré, voire interdit.
dans l’hebdo N° 1635 Acheter ce numéro
La ténacité des militantes argentines peut laisser croire que le pays vient enfin d’effacer un retard dans le monde latino. Il n’en est rien. Il vient seulement de rejoindre Cuba (depuis 1965), l’Uruguay, le Guyana, les États mexicains de Oaxaca et de Mexico, où l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est devenue un droit des femmes. Si les pays radicalement « anti-IVG » restent tout aussi minoritaires (Salvador, Haïti, Honduras, Nicaragua, République dominicaine), l’immense majorité des femmes latinas n’ont droit qu’à un régime d’avortement toléré sous des conditions qui le leur rendent souvent inaccessible. Au Brésil, au Mexique (en presque totalité), en Colombie… elles doivent démontrer un risque pour leur vie ou leur santé, l’existence d’un viol ou d’une malformation fœtale. Faute de moyens pour avorter dans un pays qui l’autorise, elles en sont réduites aux risques d’une intervention clandestine. L’interdiction de l’IVG sanctionne avant tout les pauvres.
La victoire des Argentines est cependant historique. Car elle donne l’espoir de faire basculer à terme un monde latino pavé des mêmes obstacles (patriarcat exacerbé, conservatisme parlementaire, poids des Églises), qui abrite aussi les mouvements féministes parmi les plus combatifs de la planète. La mobilisation des femmes a été au cœur d’une révolution citoyenne au Chili, il y a un an, dont le souffle a dépassé les frontières du pays. À Bolsonaro, affirmant qu’il n’autoriserait jamais l’avortement au Brésil, la députée argentine Ofelia Fernández a rétorqué : « Méfie-toi, la force féministe latino-américaine au Brésil s’ajoute à la rage pour Marielle Franco », l’emblématique militante assassinée en 2018.
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