Mais serait-ce possible chez nous ?
Franz-Olivier Giesbert assimile très tranquillement SUD et la CGT aux « sinistres collabos de Je suis partout »
dans l’hebdo N° 1637 Acheter ce numéro
Comment est-ce possible ? nous sommes-nous demandé, lorsque nous avons découvert les images de l’attaque du Capitole de Washington par des trumpistes dans les rangs desquel·les se trouvaient, selon Le Monde, un nombre conséquent de « complotistes », de « négationnistes » et de « néonazis » (1) – et qui, pour certain·es, voulaient, d’après le parquet fédéral américain, « capturer et assassiner des élus ».
La réponse est multiple, mais il ne fait guère de doute que cette explosion de haine a notamment été rendue possible par les commentateurs qui, à l’unisson de Donald J. Trump, ont, pendant quatre ans, excité dans leurs clientèles des convulsions de fureur – en vidant les mots de leur sens pour leur faire dire le contraire de ce qu’ils disaient, et en remplaçant la réalité par un tissu de mensonges présentés comme autant de « vérités alternatives ».
Trump lui-même n’a ainsi cessé, tout au long de son mandat – et en même temps qu’il construisait de toutes pièces la fantasmagorie d’un prétendu péril « antifasciste » et antiraciste menaçant la démocratie –, de minimiser les exactions perpétrées par des organisations d’extrême droite.
Mais chez nous ? nous demandons-nous désormais. Y a-t-il, chez nous aussi, des gens qui tordent la réalité ? Ou qui minorent, voire occultent de vrais dangers pour en exagérer d’autres, purement imaginaires ?
Un début de réponse se trouve dans le numéro 2526, paru le 14 janvier, de l’hebdomadaire Le Point. Qui s’ouvrait sur un éditorial dans lequel son ancien directeur, Franz-Olivier Giesbert (2), assimilait très tranquillement (3) deux syndicats – SUD et la CGT – aux « sinistres collabos de Je suis partout_, qui, dans les années 1940, désignaient les juifs à la vindicte de la milice »_. Et qui, huit jours après l’attaque du Capitole, portraiturait les universitaires de la mouvance « décoloniale et intersectionnelle » et les adeptes de l’« écriture inclusive » en « nouveaux fanatiques » – mais parlait fort gentiment de « drôle d’Amérique » pour dépeindre les extrémistes qui, aux États-Unis, « rejettent déjà le “pouvoir globalisé et corrompu” » de Joe Biden.
Bien évidemment – et comme le dit si justement un vieux dicton berrichon : comparaison n’est pas raison (4). Puis le pire n’est jamais certain.
Mais quand nous aurons fini de nous effarer de ce qui s’est passé le 6 janvier aux États-Unis, il faudra tout de même que nous nous demandions si d’aucun·es, à trop déformer certaines factualités, ne nous préparent pas, ici, les mêmes sinistres lendemains.
(1) Ces trois catégories n’étant, bien sûr, aucunement exclusives les unes des autres.
(2) Auteur déjà, en 2018, de l’impérissable assertion selon laquelle « l’Action française[…]ne fut pas[…]globalement rongée par l’antisémitisme ».
(3) Et sans que personne, au sein de la rédaction, ne lui remontre, semble-t-il, ce qu’il y avait d’obscène dans une telle profération.
(4) Rappel : les soldes d’hiver sur les rimes riches débutent le 20 janvier.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
Faire Un Don