Malle américain

Depuis la mort de Louis Malle, il y a vingt-cinq ans, le temps a passé et son œuvre s’est appauvrie. Plus exactement, notre regard sur elle s’est réduit aux quelques films encore régulièrement diffusés : Ascenseur pour l’échafaud (avec la musique de Miles Davis), Lacombe Lucien, Au revoir les enfants et Milou en mai. C’est à peu près tout. Le livre que notre collaboratrice Pauline Guedj consacre au cinéaste enrichit notre vision. Expatriée elle-même à New York, elle s’est intéressée aux films de la période américaine de Louis Malle, entre 1978 et 1986, sans nul doute les moins connus de sa carrière, avec ceux qu’il a tournés en Inde.

La Petite, Atlantic City, My Dinner with André, Crackers, Alamo Bay, God’s Country, À la poursuite du bonheur, Vanya on 42^nd Street : huit films forment le corpus de Louis Malle. Regards sur l’Amérique, que Pauline Guedj revisite amplement (hormis Crackers, film de studio raté). À ses yeux, la singularité de la démarche du cinéaste tient au fait que, récusant toute considération théorique de la réalité, il est cependant attentif aux inter-actions entre les individus et leur environnement, oscille entre objectivité et subjectivité, filme à hauteur de personnages. Bref, Pauline Guedj y voit de nombreux points communs avec sa propre discipline de formation : -l’anthropologie.

C’est donc avec l’œil de l’ethnologue qu’elle scrute la façon dont Louis Malle a mis en scène les États-Unis dans ses films. Mais elle ne s’en tient pas là. Elle raconte leur élaboration scénaristique, analyse leur esthétique, leurs thématiques, les significations qu’ils portent, et leur réception. Elle signe ainsi un livre passionnant de critique totale, sans dogme mais riche de ses multiples approches, qui saisit la cohérence du projet de Louis Malle, lui qui a beaucoup bougé, expérimenté, et sa portée politique.

Louis Malle. Regards sur l’Amérique, Pauline Guedj, Éditions Ovadia, 212 pages, 20 euros.