Où en est le Tibet ?
Il y a soixante-dix ans, la Chine envahissait le plateau tibétain. Pékin y impose toujours son contrôle policier et une politique d’assimilation similaire à celle exercée dans la région ouïgoure.
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L a Chine considère la religion et l’identité culturelle tibétaines comme un “dangereux virus”. Maintenant qu’un vrai virus mortel sévit, l’État chinois impose un contrôle total sur le Tibet », déclarait en mai 2020 à RFI la journaliste britannique Kate Saunders, spécialiste du Tibet. Des images satellites présentées en 2019 ont montré le renforcement militaire chinois autour de sites sacrés bouddhiques. À Lhassa, les postes de police se multiplient. Et les pèlerins peuvent désormais lire sur une banderole accrochée au monastère du Jokhang, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco : « Longue vie au grand Parti communiste chinois. »
« On a vu récemment des vidéos réalisées dans un camp d’internement où des nonnes bouddhistes chantaient des chants patriotiques, et il est demandé aux responsables religieux de devenir des propagandistes du parti », explique la chercheuse Katia Buffetrille (1). Car, si l’engouement des Occidentaux pour un Tibet libre, manifesté largement dans les années 1980, s’est peu à peu étiolé, l’objectif de Pékin de « siniser » les Tibétains ne s’est jamais atténué. Forcément, puisque le Tibet couvre « un quart de la Chine. Véritable château d’eau, son sous-sol regorge de ressources minérales », explique Katia Buffetrille.
Sous prétexte de lutter contre la pauvreté, le régime chinois arrache à leurs terres des milliers d’agriculteurs pour les former comme ouvriers d’usine dans des camps militarisés. « C’est un schéma très proche de celui du Xinjiang […]_. Dans les deux cas, l’accent est mis sur la remise en cause du mode de vie traditionnel d’une minorité “réticente au changement” et l’ambition d’effacer leur identité considérée comme “arriérée” par les autorités chinoises »,_ explique le chercheur Adrian Zenz.
Entre 2009 et 2019, plus de 150 Tibétains se sont immolés par protestation. « Les immolations ont cessé, parce que le régime chinois menace de représailles les familles des victimes », note Katia Buffetrille. « La résilience des Tibétains est forte, mais elle est immédiatement réprimée », dénonce la tibétologue. Et d’ajouter : « Aujourd’hui, les Tibétains en exil manifestent aux côtés des Ouïgours et des dissidents chinois. Mais on attend plus des gouvernements occidentaux. »
En juillet 2020, le gouvernement Trump, en plein conflit diplomatique avec Pékin, a certes affiché son soutien à une « autonomie significative des Tibétains », ajoutant une aide de 1 million d’euros au gouvernement en exil. Et Joe Biden a par ailleurs déclaré vouloir rencontrer le dalaï-lama. Mais, au fil des ans, de nombreux chefs d’État ont renoncé à rencontrer le Prix Nobel de la paix 1989. Alors candidat, Emmanuel Macron l’avait croisé en 2016. Une fois devenu président de la République, plus question de s’afficher avec le leader spirituel tibétain par crainte de représailles de la Chine. Selon l’ancien secrétaire du dalaï-lama, Tenzin Geyche Tethong, interviewé par La Repubblica fin novembre, « le seul espoir, c’est que la Chine devienne une démocratie ».
(1) Autrice de L’Âge d’or du Tibet (XVIIe et XVIIIe siècles), Les Belles Lettres, 2019.