Ouïgours : Les réseaux sociaux contre l’indifférence
Pour alerter sur la situation au Xinjiang, la communauté ouïgoure et ses défenseurs ont fait d’Internet leur tribune.
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D’à peine deux minutes, la vidéo de Feroza Aziz, 17 ans, commence par un tuto maquillage. Puis l’influenceuse américaine pose son recourbe-cils et interpelle sa communauté : « Vous allez prendre votre téléphone portable… pour chercher ce qui se passe en Chine […]. C’est un nouvel holocauste. S’il vous plaît, -parlez-en autour de vous. » Postée en novembre 2019 sur le réseau social chinois TikTok, la vidéo a été vue plus de 1,4 million de fois. Après avoir suscité une vive polémique en la supprimant, TikTok s’est excusé et a reconnu « une erreur »…
« Au lycée, des amis m’ont demandé si ce que Feroza disait était vrai, si des choses comme ça existaient encore », raconte Roufeina, une jeune Ouïgoure réfugiée en France avec sa famille. Membre de l’Association des Ouïgours de France, elle s’exprime pour « les sans-voix, ceux restés au Xinjiang », comme ses grands-parents maternels, « déportés puis ramenés chez eux pour raisons de santé ». Si, depuis la crise sanitaire, l’adolescente ne tracte plus le dimanche dans les rues passantes de Paris, elle partage sur les réseaux sociaux un maximum d’informations, dont des vidéos témoignages de rescapés ouïgours. Des contenus courts « qui touchent une majorité de personnes, notamment les jeunes, et donnent plus d’ampleur à la cause », insiste Dilnur Reyhan.
À défaut de pouvoir manifester, la sociologue, autrice d’une thèse sur le rôle des technologies d’information et de communication pour la diaspora ouïgoure, a lancé avec l’eurodéputé Raphaël Glucksmann une mobilisation en ligne. Le 1er octobre 2020, fête nationale chinoise, et jour de la colonisation du Xinjiang, des milliers de personnalités – Omar Sy, Leïla Slimani… – et d’anonymes ont arboré sur leur profil un carré bleu ciel, couleur du drapeau ouïgour, avec ce hashtag : #FreeUyghurs.
« Plus on est nombreux à réagir, plus il y aura d’impact », espère Roufeina. Selon la jeune militante, l’indignation en ligne doit faire place à l’action réelle, à commencer par le boycott. C’est l’objectif de la liste établie début 2020 par l’organisation australienne Aspi, identifiant 82 marques internationales qui, selon elle, sont liées au travail forcé des Ouïgours. Sur Instagram, Raphaël Glucksmann a affiché les noms de ces « complices ». Parmi eux, Amazon, Nike ou Apple. Face à l’ampleur de sa campagne, des marques lui ont répondu. Adidas et Lacoste se sont engagés à couper tout lien avec leurs sous-traitants incriminés. Zara et d’autres entreprises sont restées « dans le déni ». Pour l’eurodéputé, désormais, « la seule alternative : les contraindre par la loi ».