Rebeka Warrior : Sons de bataille

Agitatrice de la scène française, Rebeka Warrior lance Warriorecords, label à dominante électro pétri de valeurs d’équité et de résistance.

Jérôme Provençal  • 20 janvier 2021 abonné·es
Rebeka Warrior : Sons de bataille
© Erwan Fichou / Théo Mercier

Multi-instrumentiste, chanteuse et DJ, Rebeka Warrior s’est d’abord fait connaître grâce à deux groupes aux univers très différents : Sexy Sushi, duo mixte (conduit avec Mitch Silver) propulsant une électro pétaradante, et Mansfield.TYA, duo féminin (formé avec Carla Pallone) évoluant en zones troubles quelque part entre new wave, folk-rock et chanson française. Plus récemment, elle s’est engagée dans un autre duo, Kompromat, piloté avec Pascal Arbez (alias Vitalic) et orienté vers une électro/techno ténébreuse.

Après plus de vingt ans de pratique, l’artiste cultive toujours une passion sans concessions pour la musique et se lance maintenant dans une nouvelle aventure en forme de défi à l’ordre établi. Menée avec plusieurs autres personnes sur la même longueur d’onde, parmi lesquelles Naelle Dariya (par ailleurs cofondatrice du collectif Shemale Trouble), cette aventure se déploie à partir d’un label baptisé Warriorecords – nom écrit en un seul mot pour éviter la confusion avec le label Warrior Records déjà existant.

L’idée originelle consistait à organiser des soirées (a priori bien agitées), mais la pandémie de Covid-19, qui provoque notamment une extinction quasi totale de la vie nocturne, a conduit à modifier le projet en le recentrant sur un label dont le modèle économique est pensé pour respecter au maximum les intérêts des artistes.

_«__ Comme beaucoup d’autres artistes, nous avons envie de diffuser nos créations par nos propres moyens, en réduisant le nombre d’intermédiaires, et ainsi de récolter des revenus à juste hauteur,_ explique Rebeka Warrior. _Le mode dominant de diffusion de la musique est vraiment trop inéquitable pour les artistes et induit une situation économique de plus en plus difficile. Étant moi-même musicienne, je tiens à ce que les artistes de Warriorecords récupèrent tous les bénéfices générés par leurs productions pour le label. »_

Lancé fin 2020, Warriorecords proposera régulièrement des sorties musicales, dans des formats et sur des supports divers (physiques ou numériques), en favorisant le plus possible des connexions entre les artistes du label afin de susciter une effervescence créatrice commune. L’électro/techno, de préférence sombre et percutante, apparaît l’orientation dominante.

Se définissant comme « queer, transféministe, antiraciste et résistante », cette petite entreprise paramusicale arbore un credo très militant au-delà de (ou à travers) son engagement dans le champ sonore. « Je vois vraiment Warriorecords comme un label résistant, souligne Rebeka Warrior. La dimension politique du projet est inhérente à ma façon d’être et de vivre. J’ai envie de donner davantage de visibilité à certaines catégories de la population, dont je fais partie. Bien qu’elles englobent un nombre important de personnes, ces catégories se trouvent encore largement sous-représentées dans le milieu de la musique, en particulier au niveau des postes à responsabilité. »

S’il a vocation à rassembler en majorité des artistes féminines, le label – résolument pluriel – se montre ouvert à toute personne (sans distinction de genre, d’origine ou d’âge) partageant et défendant ses valeurs. Autre figure féminine phare de la scène musicale française, active en solo et au sein du duo Scratch Massive, Maud Geffray signe la première sortie de Warriorecords, l’EP Free Fall – disponible à partir du 22 janvier. Joliment profilé, il contient trois morceaux électro/techno vaporeux et vigoureux (mention spéciale à « Moonshine »)qui distillent une mélancolie entêtante.

Venin noir comme la nuit, la mélancolie constitue le principal dénominateur émotionnel commun de Warriorecords. Elle traverse également Monument ordinaire, le nouvel album de Mansfield.TYA, prochaine sortie du label, qui arrive le 19 février. Évoluant librement d’une musique (et d’une langue) à l’autre, le duo y (ré)affirme avec éclat son identité transgenre en douze chansons fugueuses et frondeuses.

warriorecords.com

Musique
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