Un Maitron pour la Commune
Alors que se profile le 150e anniversaire de la Commune de Paris, que reste-t-il de l’événement ? Un collectif d’historien·nes, réuni autour de Michel Cordillot, fait le point dans un livre à paraître le 21 janvier*.
dans l’hebdo N° 1635 Acheter ce numéro
E lle n’est pas morte », « Vive la Commune », « Ça branle dans le manche »… La Commune de Paris s’inscrit, depuis un siècle et demi, dans la mémoire collective et l’imaginaire politique. Chansons, poèmes, slogans de manif : on ne compte plus les références – bien souvent inconscientes – à cet événement. Des références que nous connaissons toutes et tous sans toujours pouvoir les raccrocher à des faits précis. Il en va de même de l’espace public. Des lieux emblématiques, comme le mur des Fédérés ou la colonne Vendôme, aux noms de rues, d’établissements scolaires, voire de stations de métro (Louise-Michel) (1), nous côtoyons la Commune au quotidien sans prendre le temps, pour la plupart d’entre nous, de nous y arrêter…
Pourtant, les travaux universitaires ne manquent pas, depuis des décennies, qui ont cherché à scruter les différentes facettes d’un épisode clé de l’histoire sociale française et dont l’écho a largement dépassé les frontières. Le pionnier en la matière fut sans nul doute Jacques Rougerie, mais les générations qui lui ont succédé ont elles aussi fourni de très nombreuses et riches études.
Ce foisonnement eut pour conséquence d’enrichir considérablement le débat historiographique autour de la Commune mais, dans le même temps, de nombreuses controverses ont entouré sa mémoire : légende noire contre légende dorée (disons rouge en l’occurrence), désaccords sur le nombre de victimes de la Semaine sanglante, interprétations diverses sur les raisons de l’échec final du soulèvement ou sur le rôle des « conciliateurs », longtemps honnis…
Rassembler en un seul et même volume l’état actuel des connaissances, dresser le bilan de ces décennies de recherches et permettre au grand public de se plonger dans l’histoire de la Commune de Paris : tel est l’objectif que Michel Cordillot, l’équipe du Maitron – le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et social (2) – et les Éditions de l’Atelier se sont fixé il y a de cela plusieurs années. Et, comme il est de coutume avec le Maitron, il s’agit de le faire en partant de la matière la plus sensible, à hauteur d’hommes et de femmes : la biographie. Mission accomplie avec ce volume de près de 500 itinéraires de vie, auxquels s’ajoutent les 17 500 notices disponibles sur le site maitron.fr.
Un Maitron pour la Commune, donc, mais un Maitron pas tout à fait comme les autres… Dès le départ, en effet, Michel Cordillot a souhaité s’entourer d’un collectif de chercheur·euses parmi les meilleur·es spécialistes de la Commune (dont Nicolas Delalande, Quentin Deluermoz, Laure Godineau ou Maxime Jourdan), afin de donner à cet ouvrage une ambition plus large et d’adjoindre à ces centaines de biographies des notices thématiques permettant la découverte de lieux emblématiques (Belleville, l’Hôtel de Ville, Montmartre, etc.), de questions en débat ou encore de notions et thématiques précises (Garde nationale, chansons, flottille de la Commune, etc.). Ces notices – une centaine au total – rythment l’ouvrage et ses 1 440 pages, enrichies de plus de 600 illustrations, pour beaucoup d’entre elles inédites.
Afin de permettre la (re)découverte de cet épisode clé de notre histoire, le livre dialoguera par ailleurs avec une série de contenus inédits sur le site du Maitron, grâce à l’exploitation numérique des 17 500 biographies mais aussi à une base de données établie des années durant par Louis Bretonnière, décédé en juillet dernier. Ainsi, de nombreuses cartes (domiciles des communard·es, emplacement des barricades, etc.) et infographies prolongeront le livre et seront en accès libre.
Julien Lucchini Responsable éditorial histoire aux Éditions de l’Atelier.
La Commune de Paris 1871. Les acteurs, l’événement, les lieux, Éditions de l’Atelier.
(1) Manifs et stations. Le métro des militant·e·s, Laurence De Cock, Mathilde Larrère, Éditions de l’Atelier, coll. « Celles et ceux », 2020.
(2) Lire « La gloire des obscurs », Denis Sieffert, Politis, 15 mars 2017.
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