Étudiant·es : Non-assistance à jeunes gens en danger

Les services de santé universitaires sont sous-dimensionnés pour faire face aux troubles psychiques suscités par la crise sanitaire.

Oriane Mollaret  • 3 février 2021 abonnés
Étudiant·es : Non-assistance à jeunes gens en danger
Devant la Sorbonne, à Paris, le 27 janvier.
© Benjamin Mengelle/AFP

À Lyon, un étudiant a mis fin à ses jours début décembre. Un mois plus tard, un autre a tenté de l’imiter en se défenestrant depuis sa résidence universitaire, suivi par une de ses camarades de fac quelques jours plus tard. Le lendemain, une étudiante parisienne s’est ôté la vie à son tour. Seul·es derrière leurs écrans, dans des logements étriqués, voire insalubres, privé·es de contacts avec leurs camarades et leurs proches, préoccupé·es par leur avenir… Partout, les étudiant·es craquent. En réponse à cette souffrance psychologique qui ne cesse de croître depuis la crise sanitaire, le silence assourdissant de la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, leur vrille les tympans. Dans les universités, les services de santé font avec leur peu de moyens pour éviter d’autres drames.

En France, on compte en moyenne un·e psychologue pour 30 000 étudiant·es, d’après un rapport de l’association Nightline publié en novembre 2020. Le pays des droits de l’homme y fait pâle figure. Aux États-Unis, par exemple, il y a un·e psychologue pour un peu plus de 1 500 étudiant·es ; en Irlande et au Canada, un·e pour 3 000 étudiant.es environ ; en Écosse et en Australie, un·e pour 4 000. Rien d’étonnant, donc, à ce que l’accompagnement psychologique des services de santé universitaires français atteigne ses limites. À l’université Lumière-Lyon-II, par exemple, il y a au minimum trois semaines d’attente avant de décrocher un rendez-vous avec la psychologue. Dans les autres universités aussi, les délais se comptent en semaines.

Pourtant, ce n’est pas la première fois que de tels drames viennent jeter une lumière crue sur les conditions d’étude des étudiant·es dans l’Hexagone. Toujours à Lyon, il y a un peu plus d’un an, la tentative de suicide d’Anas Kournif avait fait couler beaucoup d’encre. L’étudiant de 22 ans, en situation de précarité et de détresse psychologique, avait tenté de s’immoler devant les locaux du Crous. Après de longs mois de coma, le jeune homme a réaffirmé la dimension politique de son geste, pour attirer l’attention sur une condition étudiante impitoyable.

L’entrée dans la vie adulte est une période de vulnérabilité particulière. Coralie Bachy est psychiatre depuis une dizaine d’années au Pôle jeunes adultes de Villeurbanne, près de Lyon, qui accueille des jeunes de 16 à 25 ans. L’essentiel de ses patient·es sont des étudiant·es. « L’adolescence est un moment de vulnérabilité, explique-t-elle. Et le moment du passage à l’âge adulte, le moment où on quitte la famille, c’est un peu une réactivation du processus adolescent, mais de manière concrète puisqu’il y a une vraie séparation physique. Et là, ça peut très bien se passer comme ça peut être un grand moment d’insécurité et de décompensation psychique. » C’est-à-dire un moment où les symptômes deviennent si envahissants qu’ils finissent par se transformer en handicap et nécessiter une prise en charge lourde.

Pour éviter d’en arriver là, il faudrait pouvoir proposer un suivi au plus tôt. Mais, en dehors des universités, les centre médico–psychologiques aussi débordent. Les délais d’attente s’y comptent en mois, voire en années. Face à cette situation qui ne date pas de la crise sanitaire, des initiatives ont vu le jour. Depuis 2016, les bénévoles de l’association Nightline répondent aux appels nocturnes d’étudiant·es en détresse, à Lyon, Lille, Paris et Saclay. Deux psychologues ont fondé l’association Apsytude il y a une dizaine d’années. Les professionnel·les vont à la rencontre des étudiant·es pour faire de la prévention et proposent des consultations en présentiel ou en visioconférence. Dans le contexte de la crise sanitaire, des psychologues bénévoles ont monté l’association belge Psysolidaires, qui propose par chat, téléphone ou visio entre une et trois séances par personne. Mais « une explosion des demandes en ce mois de janvier » est venue allonger ses délais. Quant aux professionnel·les en libéral, une consultation psycho-thérapeutique coûte entre 45 et 60 euros. Quelques mutuelles, comme la LMDE, peuvent prendre en charge au mieux une dizaine de -consultations.

Du côté du gouvernement, les mesures semblent au diapason des services existants : sous-dimensionnées. Les 80 psychologues promis début décembre se font toujours attendre. Pour le moment, seul un « chèque psychologique » a vu le jour, dont les modalités restent à définir. En attendant, les étudiant·es se mobilisent. Le 21 janvier, ils et elles étaient des milliers à défiler dans plusieurs grandes villes de France pour exiger la réouverture des facs. Pour beaucoup, le retour des enseignements en présence est une mesure prioritaire pour casser l’engrenage de la déprime.

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